En juin, le pianiste torontois Stewart Goodyear a accompli un exploit phénoménal: celui de jouer en récital les 32 sonates de Beethoven, de mémoire, en un seul jour. Ce marathonien du piano visite ce soir Lanaudière dans le cadre d'une journée consacrée au compositeur avec l'Orchestre Métropolitain, sous la direction de Yannick Nézet-Séguin. Le pianiste donnera également cette semaine deux récitals consacrés aux sonates.

Le cycle entier des sonates de Beethoven représente plus de 10 heures de musique au total. Le marathon musical du festival Luminato, à Toronto, avait donc été divisé en trois séances de trois à quatre heures chacune, étalées de 10 h du matin jusqu'en fin de soirée. Pour relever ce défi, le musicien s'est astreint à un entraînement d'athlète afin d'acquérir l'endurance physique nécessaire.

«Cette journée a été une grande expérience pour moi sur le plan spirituel, confie-t-il. Le public est resté avec moi, et 40 % des spectateurs ont assisté à tout, du matin au soir. Beethoven m'a transporté. Je me sentais devenir plus fort au fil de la journée, si bien qu'à la fin, j'étais énergisé à un tel point que j'aurais pu tout recommencer.»

Il faut dire que Beethoven et le piano furent ses premiers amours.

«À trois ans, j'ai commencé à jouer à l'oreille en reproduisant les mélodies que j'entendais à la radio, raconte Stewart Goodyear. J'adorais déjà le piano, c'était comme l'air que je respirais et le battement de mon coeur. La musique classique, en particulier, me touchait plus que n'importe quelle autre. Mes parents n'étaient pas musiciens, mais mélomanes, et ils m'ont beaucoup encouragé.»

C'est toutefois Beethoven, et spécialement les sonates, qui l'ont persuadé de faire de sa passion une carrière.

«Enfant, j'achetais beaucoup de disques. Quand j'ai acquis mon premier coffret des sonates et que je l'ai écouté au complet, mon destin était tracé: je voulais devenir pianiste de concert. Et quand j'écoutais les sonates, il fallait que je les écoute toutes, dans l'ordre. C'était une obsession, je n'en avais jamais assez. J'avais l'impression qu'elles formaient un tout, et que si je ne les écoutais pas du début à la fin, ma journée était incomplète. C'est pourquoi j'ai toujours rêvé de les jouer en entier.»

L'apprentissage

L'enfant prodige, qui composait déjà à 8 ans, s'est attaqué aux sonates à 15 ans, alors qu'il étudiait avec Leon Fleisher.

«Nous avons décidé que j'apprendrais les 32 sonates en une année. Chaque semaine, j'en apprenais une nouvelle. Je devais la mémoriser et être capable de la jouer à un niveau présentable pour le prochain cours. Cela fait donc 15 ans que je les travaille. C'est le projet d'une vie. Je les ai tellement jouées qu'elles font maintenant partie de moi. Je sens qu'elles sont comme le journal du compositeur, une véritable porte ouverte sur lui en tant qu'homme, nous permettant de voir plusieurs aspects de sa personnalité, et résumant toutes les émotions humaines.»

Au programme annoncé des deux récitals, les six sonates choisies sont, dans cet ordre: la 21e (Waldstein) la 24e et la 26e (Les Adieux) lundi soir, et la 22e, la 25e et la 23e (Appassionata), mardi.

Une telle aventure devait forcément prendre aussi la forme de l'enregistrement. Le pianiste vient de finaliser celui du cycle entier sous l'étiquette canadienne Marquis Classics. Déjà offert en ligne, le coffret sera lancé cet automne. Et comme si les marathons, les tournées et les enregistrements ne suffisaient pas à ce surdoué, il est également actif comme compositeur.

«Ma dernière composition est mon deuxième concerto pour piano, Eclipse, que j'ai joué avec le Manitoba Chamber Orchestra en février. L'an dernier, j'ai aussi reçu une commande du Cincinnati Symphony Orchestra, afin de souligner la dernière saison de Paavo Järvi comme directeur musical.»

Stewart Goodyear et l'Orchestre Métropolitain, aujourd'hui, 20 h, amphithéâtre Fernand-Lindsay. En récital: 30 et 31 juillet, 20 h, église de Saint-Alphonse-Rodriguez.