Benedetto Lupo a joué ici plusieurs fois avec orchestre, mais je ne me rappelle pas l'avoir entendu en récital. Chose certaine, je me souviendrai longtemps de l'événement qu'il offrait lundi soir à Lanaudière aux 250 auditeurs rassemblés dans l'église historique de Saint-Sulpice.

J'ai bien dit événement. Le pianiste italien avait centré son programme sur le romantisme allemand, plus précisément sur Schumann et Brahms. Puisant à leurs oeuvres les moins fréquentées, il en proposa des interprétations magistrales, confirmant ainsi l'existence d'une grande école italienne de piano qui n'a rien à envier à sa concurrente germanique.

Malgré la chaleur qu'il faisait dans l'église et surtout dans le choeur, sous les réflecteurs, le pianiste maintint du commencement à la fin une absolue concentration et une irréprochable qualité de jeu. Quelle force, dans ce petit homme discret et raffiné. Seul regret: la réverbération de ces églises, qui brouille les lignes dans les passages très forts.

Dans les huit Fantasiestücke de Schumann, un savant rubato se glisse subrepticement entre les deux mains pour donner vie à chacune de ces Pièces de fantaisie. Entourée de silence et presque statique, la coda semble résumer tout ce qu'on vient d'entendre. De Schumann encore, Benedetto Lupo a choisi les quatre Nachtstücke, ces Pièces nocturnes que les pianistes ne jouent jamais parce qu'elles sont trop étranges. Dans sa vision, la nuit qu'elles évoquent est celle où allait sombrer l'esprit du compositeur.

De Brahms, les deux Rhapsodies op. 79 vibrent du souffle puissant qu'elles requièrent. Cette agitation revient dans trois des sept Fantaisies op. 116, en alternance avec des pages d'une grande intériorité, proches du murmure, que le pianiste livre comme une confidence. Sans se faire prier, il accorde deux rappels: de Schumann encore, la première des Kinderszenen et ensuite Widmung.

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BENEDETTO LUPO, pianiste. Lundi soir, église de Saint-Sulpice. Dans le cadre du 35e Festival de Lanaudière.

Programme:

Fantasiestücke, op. 12 (1837) - Schumann

Rhapsodien
, op. 79 (1879) - Brahms

Nachtstücke
, op. 23 (1839) - Schumann

Fantasien
, op. 116 (1891-92) - Brahms