Alban Gerhardt était venu une première fois au LMMC en 2007 pour remplacer la violoncelliste coréenne Han-Na Chang, et ce, entre deux concerts en Allemagne, en l'espace de cinq jours. Après un premier retour, le violoncelliste allemand, 43 ans et toujours l'air d'un gamin, revenait au Club hier après-midi, avec son Matteo Gofriller de 1710 et la pianiste philippine Cecile Licad.

Il entre d'abord seul puisqu'il va ouvrir son récital avec la première des six Suites de Bach, la Sol majeur. Livré de mémoire, comme le sera tout le programme, son Bach se révèle à la fois rigoureux, romantique et fantaisiste, mais avant tout celui d'un musicien pour qui sonorité est d'abord synonyme d'expression. À un moment donné, dans l'Allemande (le 2e mouvement), un trille disparaît de la carte. Omission ou oubli? Quoi qu'il en soit, le violoncelliste le fait à la reprise. À la Courante, il recommence le début de la seconde reprise. Ici et là, quelques légers grincements s'échappent du violoncelle. Peu importe: l'ensemble reste magnifique de sonorité et de pensée.

Comme tant d'autres violoncellistes, M. Gerhardt s'approprie la Sonate de Franck qui est, comme chacun sait, pour violon. Les violoncellistes choisissent habituellement l'arrangement de Jules Delsart qui, malgré ses mérites, ne fait pas oublier l'original. L'oeuvre sonnait mieux hier, et pour cause: M. Gerhardt a préparé son propre arrangement et, appuyé sur sa prodigieuse science de l'instrument, a réussi une sorte de miraculeux fondu des deux ambitus, celui du violon et celui du violoncelle.

Ce fut le grand moment du récital. La pianiste Cecile Licad, 51 ans, bien médiocre lors d'un récital LMMC de 1990 avec le violoncelliste Antonio Meneses, son mari, a grandement progressé comme musicienne. Elle a parfaitement maîtrisé l'atrocement difficile partie de piano de la Sonate de Franck et mené un dialogue des plus intenses avec le violoncelliste. S'écoutant à chaque instant, les deux conversèrent avec une passion d'où montait, au violoncelle, un cri, tantôt d'amour, tantôt de douleur. Nous étions plusieurs à avoir les larmes aux yeux.

Deux volets très contrastants composent le bref diptyque op. 70 de Schumann, à l'origine pour cor, et le violoncelliste traduisit bien cette dualité. En fait, l'émotion qu'il y met fait croire à une oeuvre plus grande qu'elle ne l'est en réalité. La deuxième Sonate de Brahms complétait ce programme dont il faut bien dire qu'il était un peu lourd. Une autre grande interprétation cependant, un archet qui va toujours au bout de la sonorité, dans les détails les plus intimes comme dans les élans les plus généreux.

Les deux musiciens étaient à peine sortis de scène que la tourneuse de pages s'amena avec ses cahiers à musique. Aucun doute possible, il allait y avoir rappel: non pas un mais deux. Tout d'abord, l'Élégie de Fauré. Ensuite, une Danse espagnole de Granados.

ALBAN GERHARDT, violoncelliste, et CECILE LICAD, pianiste. Hier après-midi, Pollack Hall de l'Université McGill. Présentation: Ladies' Morning Musical Club. Programme: Suite pour violoncelle seul no 1, en sol majeur, BWV 1007 (c. 1720) - Bach Sonate en la majeur (1886) - Franck (arr. Gerhardt) Adagio und Allegro, op. 70 (1849) - Schumann Sonate no 2, en fa majeur, op. 99 (1886) - Brahms