Parmi les quatre concerts annoncés le soir du Vendredi saint, le choix se portait tout normalement sur ce Messie qui réunissait pour la première fois l'orchestre des Musici et le Choeur du Studio de musique ancienne et plaçait le plus célèbre oratorio du répertoire dans le contexte de Pâques plutôt que dans celui de Noël.

La tradition anglo-saxonne d'un Messie de décembre a certes une valeur sentimentale mais n'a pas sa raison d'être puisque le sujet englobe aussi bien la Résurrection que la Nativité. Messiah fut d'ailleurs créé au temps de Pâques, le 13 avril 1742, à Dublin. Jean-Marie Zeitouni, le nouveau chef des Musici et maître d'oeuvre de la présente audition, avait donc raison de l'inscrire au week-end pascal.

L'OSM, qui a monté le Messie une cinquantaine de fois à partir de 1958, suivait habituellement la tradition anglo-saxonne. Quelques tentatives de présentation à Pâques furent faites dès 1960 et 1961 et ensuite en 1981 et 1982, pour être finalement abandonnées. Le public réclamait son «Messie de neige». Ce qui, s'ajoutant aux trois autres concerts annoncés, explique le grand nombre de sièges vides vendredi soir à la Maison symphonique.

En plus de donner la mauvaise date de création (1743, au lieu de 1742), le programme remis aux auditeurs ne contenait ni les paroles, ni même les titres des numéros chantés, et n'indiquait pas non plus quelle édition était utilisée. Le Studio m'avait informé qu'il s'agissait de l'édition de Ton Koopman publiée chez Carus en 2008, mais cette information ne figurait nulle part dans le programme. Je possède quatre ou cinq éditions de l'oeuvre, mais je n'ai pas Carus. Il me reste donc à considérer comme les initiatives de M. Koopman l'omniprésent théorbe, l'omission de certains «da capo» et la transformation de tel air de soprano en duo pour soprano et mezzo. Et je suppose que M. Zeitouni a lui-même décidé d'omettre trois des 53 numéros de la partition (les numéros 34, 35 et 36, en deuxième partie) et qu'il a supervisé l'ornementation chez les voix solistes.

Pour l'ensemble, ce fut là un très beau Messie. M. Zeitouni avait adopté des tempi allants, parfois un peu rapides pour les instrumentistes, choristes et solistes, mais sans que le résultat ne s'en ressente, bien au contraire. L'orchestre augmenté de 15 à 25 musiciens, mais réduit au niveau du vibrato, et le souple choeur de 31 voix disposé tout autour furent, l'un et l'autre, exemplaires.

Chez les solistes, la palme va à la soprano Dominique Labelle. Cette Canadienne qui fait surtout carrière à l'étranger m'étonne à chacun de ses retours ici. De toute évidence, elle travaille sa voix et son interprétation avec le plus grand sérieux. En fait, des quatre voix solistes, celle de Dominique Labelle fut la seule à m'émouvoir, et ce jusque dans l'ornementation devenue instrument d'expression.

L'Américain Michael Dean possède un beau timbre de basse et une grande agilité dans les mélismes. Quelques notes n'étaient pas tout à fait à leur place cependant et la présence n'est pas très forte. Antonio Figueroa, jeune ténor d'opéra, a chanté dans un sobre style d'oratorio et traversé les séquences en mélismes avec un brio rare chez les chanteurs venus du lyrique. Mais il a détonné ici et là. La minuscule Julie Boulianne, un peu ridicule en robe à traîne (!), a chanté joliment mais indifféremment, sans réelle identification au texte qu'elle lisait.

M. Zeitouni a bien fait d'annoncer une pause après le célèbre Hallelujah! qui clôt la deuxième des trois parties et qui, par tradition, fit lever la majorité des spectateurs. Ainsi, personne ne put conclure que l'audition était terminée, comme c'est souvent le cas.

«MESSIAH», oratorio en trois parties, texte anglais de Charles Jennens d'après la Bible, musique de George Frideric Handel (1742). Édition Ton Koopman (Carus Verlag, 2008).

Orchestre de chambre I Musici de Montréal et Choeur du Studio de musique ancienne de Montréal. Solistes : Dominique Labelle, soprano, Julie Boulianne, mezzo-soprano, Antonio Figueroa, ténor, et Michael Dean, basse. Dir. Jean-Marie Zeitouni. Vendredi soir, Maison symphonique, Place des Arts.