Au soir de sa vie, Rossini se remémore ses plus beaux opéras et ses rencontres marquantes alors que ses amis l'attendent pour un grand dîner. C'est le scénario prometteur de la nouvelle production de l'Atelier lyrique de l'Opéra de Montréal, écrite et mise en scène par Marie-Nathalie Lacoursière, présentée dès ce soir au Monument-National.

En plus d'être un compositeur prolifique, Rossini était un gourmand invétéré qui prenait plaisir à inventer des recettes. Il possédait, dit-on, une cave à vin légendaire. On donna même son nom à un plat, le «tournedos Rossini». Pendant ses vieux jours, il se retira dans sa villa de Passy, en banlieue de Paris, où il donnait de grands dîners pour ses amis. Le spectacle évoque ces agapes bien arrosées. Mais le «grand dîner», c'est aussi une référence à une extraordinaire soirée gastronomique survenue en 1824 dans un établissement en vogue, l'Auberge du Veau-qui-tète. À cette époque, grâce au succès du Barbier de Séville, Rossini est adoré du public parisien. L'annonce de son passage dans la Ville lumière suscite l'enthousiasme général.

Un collage

«Je me suis inspirée pour les textes des vaudevilles du dramaturge français Eugène Scribe, librettiste du Comte Ory, dit la scénariste. Dans l'une de ses pièces, il se moque du souper au Veau-qui-tète et de l'émoi causé par le retour de Rossini. Je lui ai emprunté quelques répliques. La pièce est une sorte de pastiche, un collage de plusieurs éléments. J'ai aussi utilisé des lettres de Rossini pour intégrer à ses rêveries du premier acte une correspondance avec sa première femme, la cantatrice Isabella Colbran, muse pour laquelle il a composé plusieurs opéras.»

Au deuxième acte, on fera la connaissance d'amis du compositeur, dont le chef cuisinier Marie-Antoine Carême, dit Antonin. Ce dernier a préparé un repas composé de mets ayant tous un lien avec les opéras de Rossini. Surpris par un orage, des chanteurs célèbres de l'époque, comme la mezzo espagnole Maria Malibran, s'arrêtent à l'auberge. Carême accepte de partager ses plats avec eux, à condition qu'ils chantent.

Ces personnages sont interprétés par Karine Boucher, Frédérique Drolet, Emma Parkinson, Isaiah Bell et Jean-Michel Richer. Ils chanteront des extraits du Barbier de Séville, de Guillaume Tell et de La Cenerentola, entre autres. Un chanteur invité, la basse Tomislav Lavoie, personnifie Rossini au premier acte et Carême au second.

Marie-Nathalie Lacoursière a fait des études en chant, en théâtre et en danse. Elle travaille en tant que comédienne, danseuse baroque, chorégraphe et metteure en scène depuis une quinzaine d'années. Elle planche sur l'élaboration du spectacle de l'Atelier lyrique depuis plus de six mois.

» Un exercice acrobatique «

«C'est un exercice assez acrobatique que de faire un collage comme celui-ci autour d'airs déjà choisis en fonction des voix des chanteurs. Il fallait trouver un fil conducteur entre les opéras pour que cela ait du sens et ne ressemble pas à un simple concert», explique-t-elle.

L'objectif était de donner l'occasion à chaque chanteur de l'Atelier d'être mis en valeur dans des airs ou des duos importants pendant la pièce.

«Comme dans un opéra traditionnel, il y a généralement des rôles majeurs et d'autres très secondaires, les interprètes n'ont pas toujours la chance de démontrer leur potentiel. Avec cette formule, chacun aura son petit moment privilégié, et Rossini est un choix de compositeur qui sert bien les voix des jeunes chanteurs. De plus, c'est une excellente façon de permettre au public d'entendre ses airs favoris réunis en un seul spectacle, mais intégrés à une histoire au lieu d'être juste présentés un à un.»

Les ripailles rossiniennes faisant également place à la musique de salon qu'il composait pour amuser ses convives, on entendra aussi des extraits des Péchés de vieillesse, interprétés par Tina Chang, pianiste qui accompagne les chanteurs pendant toute la durée de ce festin musical.

Rossini et ses muses, le grand dîner, 10, 13, 15 et 17 mars, 19h30 au Monument-National