Sans doute à cause de la soudaine tempête de neige, c'est devant bien des sièges vides que l'ensemble Pentaèdre faisait à son tour ses débuts à la nouvelle salle Bourgie.

Nouvelle illustration des limites du répertoire pour quintette à vent, le programme était en majeure partie composé d'arrangements, plus précisément d'arrangements d'oeuvres pour piano, à savoir : Le Tombeau de Couperin, suite de six pièces que Ravel dédia à la mémoire d'amis morts à la guerre de 1914-18, et Tableaux d'une exposition, long itinéraire de Moussorgsky, sorte de «visite de musée», groupant une quinzaine de pièces dont certaines sont reliées par une Promenade.

Les deux oeuvres sont aussi connues dans des versions pour orchestre. Ravel lui-même orchestra quatre des pièces du Tombeau. Ravel orchestra aussi l'oeuvre de Moussorgsky. Il en existe plusieurs autres orchestrations et arrangements divers, mais sa version est celle qu'on joue le plus souvent.

Chez Pentaèdre, on entendait le Tombeau dans un arrangement portant deux signatures américaines : Mason Jones, corniste, et Gunther Schuller, chef d'orchestre et corniste lui aussi. L'auteur des notes de programme omet cependant de dire en quoi exactement a consisté le travail de chacun. Quant à l'arrangement des Tableaux, il est d'un troisième corniste, le Suisse Stéphane Mooser.

Dans la présente version du Tombeau, et grâce aux doigts experts et à la vitalité rythmique de Pentaèdre, le recours au plein ambitus des vents donne un nouveau relief à ce qu'on entend habituellement, au piano, à la main gauche ou à la main droite.

Pentaèdre a assorti la suite de Moussorgsky d'une petite mise en scène. Puisqu'on est au musée, des cadres sont suspendus et les musiciens viennent y jouer certains solos, parfois en silhouette; plus tard, on baisse l'éclairage pour Catacombae. Par ailleurs, les cinq musiciens se partagent ici 14 instruments : on en compte quatre pour le clarinettiste, trois pour la flûtiste (y compris le piccolo), trois pour le hautboïste (y compris le cor-anglais), deux pour le corniste (y compris le tuba wagnérien) et deux pour le bassoniste (y compris le contrebasson).

La fameuse orchestration de Ravel a doté le piano de Moussorgsky de nouvelles couleurs. Le présent arrangement va encore plus loin. Ainsi, le Ballet des poussins dans leur coque découvre des piaillements plus aigus encore et Bydlo, le lourd chariot polonais représenté chez Ravel par le seul tuba, prend ici une nouvelle pesanteur sous les poids réunis de la clarinette basse, du contrebasson et du tuba wagnérien.

Ce programme à 14 instruments avait demandé un surcroît de travail à Pentaèdre et entraîné une légère fatigue à la fin. Rien de grave. L'ensemble du concert fut, comme toujours, d'un très haut niveau.

La suite de Moussorgsky était jouée en deux segments, séparés par une pièce d'Ana Sokolovic, Chansons à boire, que Pentaèdre a créée en 2001. La compositrice, fêtée partout cette saison, assistait au concert. Elle fait bien sonner les cinq instruments et en tire de riches agrégats.

QUINTETTE À VENT PENTAÈDRE - Danièle Bourget (flûte), Normand Forget (hautbois), Martin Carpentier (clarinette), Mathieu Lussier (basson) et Louis-Philippe Marsolais (cor). Vendredi soir, salle Bourgie du Musée des beaux-arts. Dans le cadre de Montréal en Lumière.

Programme :

Le Tombeau de Couperin (1914-17) - Ravel, arr. Mason Jones et Gunther Schuller

Chansons à boire (2001) - Sokolovic

Tableaux d'une exposition (1874) - Moussorgsky, arr. Stéphane Mooser