Deux nouveautés hier après-midi à l'Orchestre Symphonique de Montréal: Ray Chen, violoniste de 22 ans, dans ses débuts ici, et la troisième Symphonie de Prokofiev, puissante partition qu'on n'entend à peu près jamais et dont je n'ai retracé que deux exécutions ici: Werner Torkanowsky en 1961, au Plateau, et Charles Dutoit en 1981, à Wilfrid-Pelletier.

Ce concert marquait aussi le retour de Jacques Lacombe au pupitre de cet OSM où il fut l'assistant de Dutoit et le «premier chef invité» à une époque glorieuse et révolue. Les meilleurs moments de ce concert, on les doit d'ailleurs au chef trifluvien de 48 ans qui, on s'en souvient, avait ouvert la saison passée de l'OSM - et sa dernière à W.-P. - avec un fracassant Carmina Burana.

Dirigeant tout de mémoire (sauf, bien sûr, le concerto), Lacombe commença par la plus belle des deux suites de concert que Grieg tira de sa musique de scène destinée au Peer Gynt d'Ibsen. Quatre pièces, autant de réussites, mais deux mentions spéciales : La Mort d'Ase, dont la tristesse était portée par des cordes exceptionnellement chaleureuses et unifiées, et Dans la Halle du Roi de la montagne, qui débute aux cordes et bois graves et que le chef traduisit par un crescendo/accelerando du plus bel effet.

La troisième Symphonie de Prokofiev monopolisait l'après-entracte de ses 35 minutes et, surtout, de son vacarme infernal, vacarme voulu par le compositeur (faut-il préciser!) qui s'y inspire de thèmes de son diabolique opéra L'Ange de feu. Mis à part quelques accalmies, salle et auditoire sont presque continuellement secoués ici par les dissonances et vociférations d'un orchestre déchaîné et augmenté de lourdes percussions.

Lacombe et l'OSM ont brillamment reproduit la partition, mais ils sont demeurés au premier degré. Cette musique peut fait peur. Il s'agit de réécouter certains enregistrements de l'ère soviétique où, dans le Scherzo, par exemple, les sifflements des cordes en 13 divisi produisent un son comme immatériel et venant d'ailleurs. Les auditeurs - enfin, ceux qui ne sont pas sortis! - ont quand même eu là une très bonne idée de cette musique. Chef et orchestre n'avaient tout simplement pas eu le temps d'approfondir leur sujet.

La liste interminable des violonistes d'origine asiatique s'augmente encore avec Ray Chen. Un indéniable talent, avec tout ce qu'il faut pour faire carrière : technique, sens musical, sonorité, présence. Le garçon a simplement commis l'erreur de se mesurer à trop grand : le Concerto de Sibelius. Il a connu, tant au suraigu que dans les doubles cordes, plusieurs problèmes de justesse - légers mais évidents -, il a alourdi le mouvement lent d'une sentimentalité hors de propos, et il a pris le finale à une vitesse qui lui fit commettre quelques petits impairs. Quand même, il doit être fier de lui puisque l'auditoire a applaudi chaque mouvement, y compris le mouvement lent...

ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef invité : Jacques Lacombe. Soliste : Ray Chen, violoniste. Hier après-midi, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Série «Dimanches en musique». Programme : Suite no 1 de Peer Gynt, op. 46 (1876-1888) - Grieg Concerto pour violon et orchestre en ré mineur, op. 47 (1903-1905) - Sibelius Symphonie no 3, en do mineur, op. 44 (1928) - Prokofiev