Il Trovatore de Verdi, que l'Opéra de Montréal met à l'affiche ce soir, 19h30, salle Wilfrid-Pelletier de la PdA, pour quatre représentations, constitue un cas sans doute unique dans tout le répertoire lyrique: l'ouvrage mêle un nombre record d'irrésistibles grands airs et ensembles, soit une bonne douzaine, au scénario le plus labyrinthique qui se puisse imaginer.

L'action, située dans l'Espagne du XVe siècle, tourne autour de quatre personnages principaux: Manrico, le trouvère (ou «trovatore») du titre, la noble Leonora, le Comte di Luna et la bohémienne Azucena. On croit que Manrico est le fils d'Azucena, mais ce n'est pas le cas. Manrico est le frère du Comte. Les deux hommes sont amoureux de Leonora, sans savoir qu'ils sont frères...

La confusion vient d'un fait qui remonte à une quinzaine d'années. La mère d'Azucena était une sorcière, condamnée à être brûlée vive pour avoir ensorcelé le jeune frère du Comte. Pour venger sa mère, Azucena avait voulu jeter l'enfant dans les flammes, mais, dans son énervement, c'est son propre enfant qu'elle y avait précipité. L'enfant qu'elle a élevé comme le sien est donc, en réalité, celui qu'elle avait voulu jeter au feu, c'est-à-dire le frère du Comte.

Le reste de l'histoire se ramène à l'inévitable «triangle». Manrico et Leonora s'aiment, le Comte désire Leonora, elle le repousse, il fait condamner Manrico à mort et elle s'empoisonne plutôt que de se donner à lui. Lorsque Manrico est exécuté, Azucena lance au Comte: «C'était ton frère!» et conclut: «Mère, te voilà vengée!»

Oui, vengée, puisque celui qu'on vient de tuer est le fils de celui qui avait condamné au feu la mère d'Azucena.

La distribution

Le spectacle débutant ce soir réunit le ténor coréen Dongwon Shin en Manrico (en remplacement du Britannique Julian Gavin), la soprano japonaise Hiromi Omura en Leonora (elle était Butterfly en 2008 à l'OdM), le baryton canadien Gregory Dahl en Comte di Luna et la mezzo italienne Laura Brioli en Azucena. Les rôles secondaires ont été confiés à des débutants locaux.

Les décors et les costumes proviennent des ateliers de l'OdM et la mise en scène, annoncée comme «traditionnelle», est du jeune Oriol Tomas, qui signa The Consul de Menotti à l'Atelier lyrique de l'OdM l'an dernier. Le chef italien Francesco Maria Colombo dirigera l'Orchestre Symphonique de Montréal. Fait à noter, l'OSM (et non l'OM) était aussi dans la fosse lors des deux précédentes productions de l'OdM (1982 et 1998).

Créé à Rome en 1853, Il Trovatore fut donné à New York en 1855 et à Montréal en 1858, en anglais, par une troupe de tournée. Un siècle plus tard, on le vit à l'Opera Guild de Pauline Donalda en 1949, par la troupe du Met au Forum en 1957 et par La Scala de Milan à l'Expo 67.

On l'entendit aussi dans la version française autorisée par Verdi, Le Trouvère, au Théâtre d'art lyrique de Laval en 1999 et en version concert à Lanaudière de 2001.

DISCOGRAPHIE

La discographie d'Il Trovatore est considérable. Ma préférence va encore à la version RCA de 1952, extrêmement dramatique et magnifiquement chantée par Jussi Björling, Zinka Milanov, Leonard Warren et Fedora Barbieri (présentement en réédition: Naxos ou Regis). Trois documents historiques à signaler, tous réédités en compacts. Le tout premier enregistrement, de 1912, utilisait la version française (on peut le trouver encore chez Marston). Curieusement, la version originale italienne fit l'objet de deux enregistrements de 1930 réalisés à La Scala. Le plus prestigieux est celui d'Aureliano Pertile, Maria Carena, Apollo Granforte et Irene Minghini-Cattaneo (Phonographe ou Romophone), l'autre est dominé par Francesco Merli (Naxos).