Sir Simon Rattle et l'Orchestre Philharmonique de Berlin (où le chef britannique est titulaire depuis 10 ans) consacrent à Schoenberg un disque dont Brahms occupe pourtant une grosse moitié. L'oeuvre majeure de ce programme totalisant 73 minutes est en effet la curieuse orchestration que Schoenberg, en 1937, réalisa du premier Quatuor pour piano et cordes (sol mineur, op. 25) de Brahms, orchestration qui fait ici 42 minutes.

On ignore pourquoi Schoenberg choisit d'orchestrer l'op. 25 et pourquoi il n'en fit pas autant des deux autres quatuors que Brahms destina à la même combinaison instrumentale. Peut-être considérait-il que le travail sur un seul quatuor avait été suffisant - ce qu'il fut, en fait. Le «père de l'atonalité» n'a pas changé une note de ce que Brahms a écrit et il a respecté toutes les tonalités originales, pour chacun des quatre mouvements: sol mineur, do mineur, mi bémol majeur et, de nouveau, sol mineur. Mais il a fait de l'op. 25 une chose assez nouvelle pour la baptiser, en plaisantant, «Cinquième Symphonie» de Brahms.

Le piano a évidemment disparu. Tout ce que Brahms lui confiait, ainsi qu'au violon, à l'alto et au violoncelle, a été redistribué à travers l'orchestre entier: aux bois, cuivres, cordes, timbales et percussions (xylophone compris!). Ce Schoenberg-Brahms n'est pas une nouveauté. On l'a entendu à l'OSM et même à l'OM. Rattle en obtient ici une exécution captivante à tous égards. Mais on perd certains détails. Ainsi, au Rondo final alla Zingarese, le violon-solo escamote son amusant trait rapide isolé (mesures 1049 et 1050 de la partition, à 5'52 sur l'indicateur), lequel trait est donné au piano dans l'original.

En 1906, Schoenberg composa deux Symphonies de chambre et, là encore, dans des tonalités précises, n'ayant pas, à ce moment-là, tourné complètement le dos au langage tonal. Rattle a choisi la première Symphonie, en mi majeur, op. 9, pour 15 instruments, mais il a opté pour la version pour grand orchestre, op. 9b. Une autre question se pose ici: pourquoi écrire une symphonie «de chambre» si on la transpose ensuite pour grand orchestre?

Quoi qu'il en soit, même tonal, Schoenberg reste d'une écoute difficile, et c'est le cas de cet op. 9 (ou 9b), malgré quelques grands élans romantiques. Un critique a parlé à son sujet de «Symphonie non pas de chambre mais de chambre des horreurs». Le même commentaire conviendrait à la Musique d'accompagnement pour une scène de film - en allemand : Begleitmusik zu einer Lichtspielszene -, courte pièce de 1930 conçue pour un film imaginaire et qui renferme, en neuf minutes, trois situations décrites dans ce sous-titre: Danger menaçant, Angoisse, Catastrophe. Rattle et le Berlin rendent bien cette atmosphère. Néanmoins, le disque ne s'adresse qu'aux inconditionnels de Schoenberg.

Classique

Schoenberg: orchestre philarmonique de Berlin. Dir. Sir Simon Rattle.

EMI 57815

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