Dans sa publicité et même sur les billets de ce premier concert de la nouvelle année, l'Orchestre Symphonique de Montréal donne toute la vedette à La Valse de Ravel et ignore complètement le soliste, le baryton allemand Christian Gerhaher, comme s'il n'existait pas.

Or, c'est à peu près ce qui se passe.

M. Gerhaher occupe pourtant la moitié du concert avec deux oeuvres majeures de Mahler et même un rappel, également puisé chez Mahler. Au surplus, une voix anonyme fait savoir au micro que le concert est «enregistré», sans en dire davantage. Renseignements pris, l'enregistrement est destiné à un disque Mahler de Sony/Analekta qui réunira les deux oeuvres du concert, soit le cycle des cinq Kindertotenlieder et le recueil des cinq Rückert-Lieder, ainsi qu'un autre cycle, celui des Lieder eines fahrenden Gesellen, qui contient quatre pièces.

Tout cela explique sans doute le remplacement (annoncé il y a quelques jours) des extraits du recueil Des Knaben Wunderhorn par les Rückert-Lieder.

M. Gerhaher n'en est pas à son premier passage ici et, une fois de plus, nous retrouvons une voix partout très belle, dont certains accents rappellent Fischer-Dieskau, et une musicalité toujours présente. On s'étonne simplement que M. Gerhaher chante avec le texte devant lui et, surtout, que son interprétation soit si peu émouvante, lui dont Mahler est une spécialité. Le plus souvent, il semble perdu dans une vague rêverie; parfois, il glisse sur des rubatos que Nagano parvient quand même à suivre. La voix devient même carrément inaudible dans certains passages graves. Exemple : le début de Ich bin der Welt abhanden gekommen.

Dans l'ensemble, le commentaire orchestral est bon, sauf au dernier des Kindertotenlieder. Mahler l'indique «agité», mais il ne l'est pas du tout. Nagano annonce néanmoins un rappel : c'est le premier lied des «Gesellen».

En fin de compte, le concert se ramène à La Valse de Ravel. Nagano en fait un immense et étourdissant crescendo qui, à travers d'innombrables et haletants raffinements instrumentaux, débouche sur une conclusion absolument fracassante et une ovation de la même envergure. Enfin, se dit-on, il se passe quelque chose!

Le concert débute par un hommage à Pierre Rolland, des remerciements à l'Orchestre Métropolitain (eh oui!) pour avoir prêté son célesta à l'OSM (celui de l'OSM étant défectueux) et une jolie lecture de la suite «anglaise» Children's Corner de Debussy telle qu'orchestrée par André Caplet.

ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef d'orchestre : Kent Nagano. Soliste : Christian Gerhaher, baryton. Mercredi soir, Maison symphonique, Place des Arts. Reprise jeudi et samedi soirs, 20 h.

Programme :

Children's Corner (1908) - Debussy, orch. Caplet (1910)

Kindertotenlieder (1902-04) - Mahler

Fünf Lieder nach Texten von Friedrich Rückert (1901-04) - Mahler

La Valse (1920) - Ravel