Le baryton québécois Étienne Dupuis était, la semaine dernière, l'invité de la Deutsche Oper Berlin, prestigieuse maison d'opéra de la capitale allemande, pour deux représentations exceptionnelles des Pêcheurs de perles de Georges Bizet. Des débuts sur les chapeaux de roues pour le chanteur de 32 ans, qui n'en est pourtant pas à ses premières armes.

À quelques heures de son entrée en scène, jeudi soir dernier, Étienne Dupuis respirait la satisfaction du devoir accompli. Le stress de la première derrière lui, il évoquait un retour imminent au Québec pour les Fêtes de fin d'année, après un séjour berlinois sur la corde raide.

«Je n'étais pas au sommet de ma forme en arrivant ici, c'est le moins qu'on puisse dire! Les chanteurs, on est vulnérables aux transports, aux changements de température plus encore que la majorité des gens. Au début des répétitions, j'avais la gorge en charpie, je ne pouvais émettre un son! Heureusement, je me suis vite rétabli», confie-t-il.

Même dans le foisonnement de concerts et de représentations d'opéra offerts quotidiennement à Berlin, ceux auxquels Dupuis participe font figure d'événements. Il partage l'affiche avec deux stars du chant, le ténor Joseph Calleja et la soprano Patrizia Ciofi.

« Joseph Calleja est vraiment l'une des grandes voix d'aujourd'hui. Et quelle présence, quel charisme! J'ai aussi l'occasion d'apprendre auprès de quelqu'un comme lui. Il a aimé ce que j'ai fait, et on va essayer de travailler de nouveau ensemble. »

Un pari risqué

À l'origine, il n'était pas prévu qu'Étienne Dupuis fasse partie de la distribution. Un heureux hasard en a voulu ainsi : jusqu'en septembre, le rôle de Zurga n'était pas comblé et les responsables de la Deutsche Oper Berlin ont fait appel à lui. Son agenda déjà chargé lui permettait d'être à Berlin juste à temps pour le début des répétitions. Il a donc accepté l'offre, entrepris d'étudier la partition et appris le rôle en quelques semaines, avant d'arriver fin prêt à destination.

Un pari risqué, au dire même du chanteur. Risque calculé, serait-on tenté d'ajouter, puisqu'il reviendra à Berlin au printemps dans le rôle-titre du Barbier de Séville de Rossini.

Le risque paie néanmoins : Étienne Dupuis est le seul de la distribution des Pêcheurs de perles à connaître son rôle par coeur, tous les autres chantant avec la partition en main. Le quotidien berlinois Tagesspiegel a salué le caractère «authentiquement français» du baryton et le grain sombre de sa voix, qui le prédispose à des rôles plus dramatiques. «Je rêve de chanter Verdi : Ford dans Falstaff, Rodrigo dans Don Carlo, Renato dans Un Ballo in Maschera... Mais, en attendant, je ne suis pas malheureux dans le répertoire français.

J'aimerais bien faire Pelléas dans Pelléas et Mélisande, aussi», poursuit celui qui dit se reconnaître autant chez Mozart que chez Jacques Brel ou Michel Berger. «Le nombre de belles voix est renversant au Québec. Paradoxalement, notre façon de parler et notre accent nous aident dans ce répertoire. Il y a chez nous un placement naturel de la voix qui convient au style, à la ligne vocale, et que très peu de gens ont.