Le Gala de l'Opéra de Montréal rétrécit chaque année. Pour ce 16e concert-bénéfice, qui marquait hier après-midi l'entrée de l'événement à la Maison symphonique, on s'est arrêté, comme l'an dernier, à trois heures, entracte compris (précédemment, cela faisait quatre heures et même plus), mais on a aussi continué à réduire le défilé des chanteurs: 11 hier, alors qu'il pouvait y en avoir une trentaine autrefois. (En passant, ils seront 12, donc un de plus, au Gala de l'Opéra de Québec jeudi soir!)

À la réduction quantitative (durée et nombre) s'ajoute l'abandon, pour ainsi dire, de la participation étrangère. Cette année, tous les chanteurs étaient d'ici. Loin d'un hasard, l'OdM parle de «nouvelle orientation». On réentendra donc d'année en année les mêmes Marc Hervieux et Marie-Josée Lord qu'on retrouvait hier et qu'on retrouve à longueur de saison. On aime bien qu'ils soient là mais, en même temps, on regrette l'éclat et la curiosité des années passées, avec toutes ces voix nouvelles venues d'ailleurs.

Mais le Gala a ses inconditionnels - près de 2000 hier - et, quelle que soit l'affiche, ils ovationnent tout (ou presque tout) avec le même débordement. On remarquait dans l'assistance les ministres Raymond Bachand (Finances) et Christine St-Pierre (Culture) et la mécène Jacqueline Desmarais. Michel Beaulac, le directeur artistique de l'OdM, a ensuite accueilli Bruno Laplante, baryton et directeur de troupe, élu au Panthéon canadien de l'Art lyrique. «Je suis plus nerveux que si j'avais à chanter!», a-t-il déclaré au micro.

Le rétrécissement évoqué n'affectait cependant en rien la qualité du concert. Des 25 numéros, je retiens d'abord le duo de la soprano Gianna Corbisiero et du très jeune violoncelliste Stéphane Tétreault. Lasse de voir le petit accorder interminablement son instrument, la chanteuse fait le geste d'accorder le sien... c'est-à-dire ses cordes vocales. Les voici engagés tous deux dans un curieux arrangement de l'air célèbre de Dalila, «Mon coeur s'ouvre à ta voix». Mme Corbisiero vole la vedette au nouveau venu avec une voix encore étonnante de puissance et d'expression. Au violoncelle, le son est un peu maigre; il était meilleur dans la Méditation de Thaïs.

Cet événement vocal donnait exceptionnellement la vedette à deux instrumentistes. L'autre, Serhiy Salov, «chantait» au piano le seul air allemand du programme, soit le Liebestod de Tristan und Isolde, dans l'arrangement de Liszt. Arrangement et exécution: dans les deux cas, rien de bien convaincant.

Les autres chanteurs forment un mélange où il y a un peu de tout. La voix de Lyne Fortin est encore à la hauteur de Lakmé et de Lucia, mais elle n'a pu se mesurer au «Casta diva» de Norma. Plus prudente, Marie-Josée Lord (dont je tenterai de décrire le costume un autre jour) a remplacé Aida par une très dramatique Wally. Habité par son personnage, Marc Hervieux se donne corps et âme à l'air de désespoir de Pagliacci. Dommage qu'il perde cette énergie à des banalités.

Sonia Racine, dont on voit rarement le nom, est encore en voix et méritait mieux que l'air de la Princesse de Bouillon. Phillip Addis était Onieguine déclarant à Tatiana qu'il n'est pas prêt pour le mariage. Il n'aurait pas pris un autre ton pour faire savoir qu'il n'avait pas le goût d'une pizza ce soir-là. Le mezzo de Lauren Segal est bon mais son français ne l'est pas assez pour qu'on lui confie Carmen ou Mallika. Le tenore di grazia d'Antonio Figueroa a perdu un peu de sa pureté et Alain Coulombe est un bon Joseph Rouleau petit format.

Une mention très spéciale va au Choeur de l'OdM. Rapatrié de Victoria, C.-B., pour l'occasion, le chef invité Timothy Vernon donna un relief inhabituel à chacun des groupes vocaux, en plus d'accorder à chaque soliste l'appui constant de l'Orchestre Métropolitain.

Suivant la tradition, on termina sur le Libiamo de La Traviata. Mais c'est en vain que la foule attendit pendant plusieurs minutes le White Christmas arrosé de confettis tombant du plafond. Pourquoi toujours arracher aux gens les petits bonheurs qui leur font tant plaisir?...

16e GALA DE L'OPÉRA DE MONTRÉAL. Hier après-midi, Maison symphonique de Montréal, Place des Arts.