Assez curieusement, l'oeuvre majeure au programme de l'Orchestre symphonique du Conservatoire ce week-end est celle qui reçoit la moins bonne exécution.

De la part de Raffi Armenian, qui s'est libéré des tâches administratives pour se concentrer sur la direction d'orchestre, on était en droit d'attendre une préparation de la huitième Symphonie de Beethoven en tous points impeccable, comme c'est habituellement le cas lorsqu'il est en charge des opérations.

Ce que j'ai entendu hier soir fait exception. La situation se sera-t-elle améliorée pour la reprise, cet après-midi? J'ose l'espérer. Je veux bien qu'il s'agisse là d'un orchestre d'étudiants et d'un exercice public, mais, prise comme telle, cette lecture plaçait le tandem Armenian-Conservatoire au troisième rang de nos formations d'enseignement supérieur, assez loin derrière Hauser-McGill et Rivest-OUM. Tel un parent pauvre, l'Orchestre du Conservatoire est d'ailleurs moins nombreux qu'aux deux autres endroits : 60 musiciens, dont quatre altos écrasés entre 18 violons et huit violoncelles.

Ici encore, Armenian le musicien anime l'exécution d'une pensée toujours stimulante. La Huitième fait partie des «petites» symphonies de Beethoven. C'est une oeuvre vive et souriante, et Armenian la traduit ainsi... mais à quel prix! Les imprécisions dans les attaques, la coordination entre les groupes, la justesse et même le jeu individuel (ce basson qui ne joue pas les bonnes notes!), imprécisions minimes, j'en conviens, mais réelles, nous empêchent de prendre quelque plaisir à cette lecture qui, pourtant, respecte l'esprit de l'oeuvre.

Tout ce qui précède est beaucoup plus soigné. En début de concert, Armenian invite l'un de ses élèves en direction, Jordan de Souza, pour ce Ravel très raffiné qu'est Le Tombeau de Couperin. On peut trouver téméraire la décision de l'étudiant de diriger sans baguette, à la Boulez, ce groupe de quatre pièces exigeant une absolue précision. De toute évidence, ce grand garçon sait ce qu'il fait et, avec une technique pour le moins personnelle des deux mains, obtient de ses collègues une réalisation très en place et même séduisante de la partition, en particulier chez les bois.

Le maître vient ensuite, baguette en main, comme le veut la meilleure tradition, et entraîne tout l'orchestre dans une exécution - mieux: une véritable interprétation, colorée, pleine de fougue et de relief, des six morceaux contrastants de la Suite de danses de Bartok.

Une jeune pianiste chinoise de 19 ans se voit confier le premier Concerto de Prokofiev. L'avenir nous dira s'il faut mémoriser ce nom: Qiao Yi Miao Mu. Il s'agit d'une élève d'André Laplante, qui jouait le même concerto avec Nagano et l'OSM en 2008. Le professeur était en Ontario hier soir mais sera là cet après-midi pour l'écouter. La petite possède la technique requise pour traverser cette partition sans problèmes. C'est déjà beaucoup. Mais ce n'est qu'un commencement. Il faut maintenant aller au-delà des notes, retrouver l'humour, l'espièglerie, la surprise qui habitent ce produit d'un compositeur de 20 ans. Armenian et l'orchestre, eux, soulignent ces éléments avec autant d'exactitude que d'esprit. Bien sûr, c'est avant le Beethoven...

ORCHESTRE SYMPHONIQUE DU CONSERVATOIRE DE MONTRÉAL. Chef d'orchestre: Raffi Armenian. Chef invité : Jordan de Souza (*). Soliste : Qiao Yi Miao Mu, pianiste. Hier soir, Théâtre Rouge du Conservatoire; reprise cet après-midi, 14 h 30.

Programme: 



Le Tombeau de Couperin (1919-20) - Ravel (*)

Suite de danses, Sz. 77 (1923) - Bartok

Concerto pour piano et orchestre no 1, en ré bémol majeur, op. 10 (1911) - Prokofiev

Symphonie no 8, en fa majeur, op. 93 (1812) - Beethoven