OEuvre de grandes festivités, la Symphonie avec choeur de Beethoven - la célèbre Neuvième - ouvrait le Festival de Lanaudière l'été dernier et inaugurait la nouvelle salle de la Place des Arts en septembre. Louis Lavigueur a vu dans les 10 ans de l'Ensemble Sinfonia de Montréal, sa création, un événement d'égale importance puisqu'il choisissait lui aussi la Neuvième pour marquer cet anniversaire. Il n'a pas eu tort.

La nef de l'église Saint-Jean-Baptiste, qui peut recevoir quelque 1 500 personnes, était comble. Il était réconfortant d'observer cette foule: des gens simples, venus non pas pour les mondanités mais pour la musique, seulement pour la musique, qui écoutaient dans le plus beau silence et n'applaudissaient pas entre les mouvements. De quoi faire mentir ceux qui ne cessent de répéter que «la musique classique n'intéresse personne»...

Le nom «Ensemble Sinfonia» n'est pas très heureux cependant. On pourrait croire qu'il s'agit d'un quelconque groupe de musique de chambre, alors que c'est un orchestre symphonique de 60 musiciens qui se déploie devant nous. Remarquable d'ailleurs, cet orchestre. Oublions quelques bavures presque comiques du cor, cet instrument parmi les plus difficiles à maîtriser; oublions aussi quelques petits problèmes de coordination ici et là. Cet orchestre pourtant formé d'amateurs a traversé la complexe Neuvième avec une étonnante qualité de jeu. Il joue juste, toutes les sections ont de la substance et les bois brillent d'un éclat particulier. Mieux encore, son chef l'amène à un convaincant niveau d'expression. Cette Neuvième qu'on a entendue tant et tant, Lavigueur parvient à la rendre encore captivante à écouter. Aucune routine, aucun moment d'ennui dans cette réalisation supérieure à celles de certains chefs connus et orchestres établis.

Lavigueur encadrait somptueusement l'anniversaire de sa Sinfonia en y adjoignant les trois choeurs, Classique, Polyphonique et Polymnie, dont il est aussi le titulaire, constituant ainsi une formation de 130 choristes massés derrière l'orchestre et clamant l'Ode à la joie de Schiller avec l'unité et la ferveur d'un seul choeur.

Les quatre voix solistes furent impeccables. Desmond Byrne chanta le grand récitatif d'entrée avec fermeté, la souriante Tracy Cantin lança à la perfection les deux si aigus de la fin et les deux autres furent à la hauteur.

Je ne peux en dire autant du violoniste. Frédéric Bednarz a déjà remporté le Prix d'Europe et il joue dans le Quatuor Molinari. Bravo. Mais le Concerto de Beethoven est très au-dessus de ses moyens. Quelques mesures du mouvement lent étaient conformes à ce que Beethoven a écrit. Pour le reste: articulation souvent cotonneuse, sonorité indifférente, sens rythmique parfois approximatif. De plus, il semble que la fréquentation du contemporain, pain quotidien du Molinari, ait fait perdre au violoniste le vrai sens du trille et du gruppetto. Important détail omis du programme, il utilisait les déroutantes cadences avec timbales d'Alfred Schnittke, révélées par un enregistrement de 1981 de Gidon Kremer. C'est ce qu'il fit de mieux.

ENSEMBLE SINFONIA DE MONTRÉAL, Choeur Classique de Montréal, Choeur Polyphonique de Montréal et Ensemble vocal Polymnie, de Longueuil. Chef d'orchestre: Louis Lavigueur. Solistes: Frédéric Bednarz, violoniste, Tracy Cantin, soprano, Kristin Hoff, mezzo-soprano, Nils Brown, ténor, et Desmond Byrne, basse. Samedi soir, église Saint-Jean-Baptiste.

Programme consacré à Ludwig van Beethoven (1770-1827):

Concerto pour violon et orchestre en ré majeur, op. 61 (1806)

Symphonie no 9, en ré mineur, avec choeur et quatre voix solistes, texte de Friedrich Schiller, op. 125 (1817-24)