Le programme de la SMCQ hier soir annonçait Chutes libres en grosses lettres et, en plus petit, À la mémoire de Maryvonne Kendergi. Bien qu'il n'y ait, j'en suis sûr, aucun lien entre les deux titres, leur rapprochement cocasse invitait à penser le contraire.

Quoi qu'il en soit, la SMCQ réparait amplement son oubli d'il y a plus d'un mois avec une table ronde, une vidéo et une exposition consacrées à celle qui fut l'un de ses fondateurs. Il nous fut hélas! impossible d'annoncer la table ronde animée par Françoise Davoine puisque la SMCQ n'avait pas fourni les noms des participants.

 L'Ensemble de la SMCQ, à géométrie variable, était considérable : 30 musiciens. Ils n'étaient jamais tous requis en même temps cependant. L'«Hommage» à la compositrice Ana Sokolovic, au centre de cette 46e saison, se poursuivait avec deux pièces. Les trois minutes de l'Hymne d'Orford mêlent des éléments folkloriques serbes et québécois. La pièce existe en neuf instrumentations, ou versions, différentes.

Beaucoup plus travaillée, la Ciaccona de 14 minutes comporte, à la manière d'une chaconne, plusieurs sections, mais celles-ci sont si contrastantes que chacune constitue finalement un microcosme en soi. La compositrice joue ici sur les couleurs. C'est ainsi que le clarinettiste Gilles C. Plante, alternant à trois instruments différents, couvrit un ambitus de plus de quatre octaves.

Entre les deux Sokolovic, Walter Boudreau avait placé La Création du monde, de Darius Milhaud. Avec quelques rares Schoenberg, Berg et Webern, ce classique de 1923, très Années folles, forme certainement le répertoire le plus «ancien» jamais joué à la SMCQ! La chose n'apportait rien au concert, non plus que le petit film montrant un feu de barbecue puis déformant et multipliant un couple de danseurs. Mention, quand même, au son chaud de la saxophoniste Chantal Leclerc.

La pièce signée Julien-Robert Legault Salvail qui donnait son titre au concert comprend aussi une vidéo, celle-là aérienne et amusante. Il y a en effet quelque chose de chaplinesque dans le déroulement simultané et constamment accéléré de l'image et de la musique. On aimerait simplement savoir ce que Louise-Andrée Baril retirait sans fin du piano «préparé». À l'arrière de la salle obscure, on aurait dit quelque fil d'Ariane...

Boudreau réservait l'après-entracte aux relations qu'il entretient avec le Canada anglais musical. Présents dans la salle assez remplie - où l'on reconnaissait les «inspecteurs» des Prix Opus --, Alexina Louie et Alex Pauk proposaient des pièces faisant respectivement 15 et 19 minutes. La pièce de Louie, inspirée par la mort de Claude Vivier, débute par un cri de douleur. On entend ensuite des échos de musique chinoise et finalement, au piano, des pépiements d'oiseaux, genre Messiaen. Au piano encore est confiée une énorme cadence puissamment jouée par Matthieu Fortin.    

Très chargée, la pièce d'Alex Pauk, en création, venait à la toute fin d'un concert très chargé lui aussi. Elle ne reçut peut-être pas de l'auditoire toute l'attention qu'elle méritait; elle fut d'ailleurs très peu applaudie, ce qui est rare à la SMCQ et, dans ce cas-ci, regrettable. Presque tous les musiciens sont alors sur scène, formant une masse sonore compacte, en mouvement, à laquelle se mêlent des bruits préenregistrés de pluie qui tombe et de tonnerre grondant au loin. Cette première impression laisse entendre qu'il y a davantage dans ces Musiques immergées. Il faudrait y revenir.

SOCIÉTÉ DE MUSIQUE CONTEMPORAINE DU QUÉBEC. Ensemble de la SMCQ. Dir. Walter Boudreau. Hier soir, salle Pierre-Mercure.

Programme :

Hymne d'Orford (2011) - Ana Sokolovic

La Création du monde, op. 81, avec vidéo (1923) - Darius Milhaud

Ciaccona (2002) - Ana Sokolovic

Chute libre, avec traitement électronique et vidéo (2009) - Julien-Robert Legault Salvail

Music for a Thousand Autumns (1983) - Alexina Louie

Musiques immergées, avec sons préenregistrés (2011) (création) - Alex Pauk