Visite rare à Montréal: le claveciniste et chef d'orchestre français Christophe Rousset, spécialiste de la musique baroque de renommée internationale, dirige Arion Orchestre Baroque pour trois soirs à la Salle Bourgie. Voyage dans le temps avec cet archéologue de la musique.

Il n'était pas venu à Montréal depuis 25 ans. En un quart de siècle, il a laissé sa marque dans les salles de concert du monde entier et sur disque. Il a aussi fondé son propre ensemble, Les Talens Lyriques, à qui l'on doit notamment la bande sonore du film Farinelli.

Le voilà invité à diriger Arion Orchestre Baroque dans des ouvertures et suites tirées de Dardanus et de Castor et Pollux, de Jean-Philippe Rameau, ainsi que Les Éléments, une oeuvre tout à fait singulière de Jean-Féry Rebel, un élève de Lully.

«C'est une pièce extrêmement avant-gardiste qui commence par un gros cluster (NDLR: grappe de nombreux sons simultanés) semblant tout droit issu de la musique contemporaine, explique le musicien. C'est l'évocation du chaos avant que le monde s'organise dans l'harmonie, et cela crée tout un choc pour l'auditeur.»

Le clavecin à remonter le temps

L'amour de Christophe Rousset pour l'esthétique baroque remonte à l'enfance.

«J'ai grandi à Aix-en-Provence, une ville dont l'architecture date essentiellement des XVIIe et XVIIIe siècles. J'étais fasciné par le passé, les châteaux, les films en costumes d'époque, le théâtre de Molière. Mon premier voeu était de devenir architecte pour construire des châteaux. Quand j'ai découvert le clavecin, vers l'âge de 13 ans, c'était pour moi une espèce de machine à remonter le temps. Il m'a donné l'occasion d'être une sorte d'archéologue à la recherche de partitions anciennes.»

Dans les années 80, il étudie à La Haye, aux Pays-Bas, avec Bob van Asperen. «À l'époque, c'était la Mecque de la musique baroque et du clavecin, se rappelle-t-il. C'était un creuset, où des élèves venaient de partout, et c'est là que j'ai rencontré, entre autres, Claire Guimond, la directrice artistique d'Arion.»

C'est aussi là qu'il développe son éthique musicale. «Pour moi, ça signifie être dans un respect immense du texte, et ne pas y coller une interprétation purement personnelle, dit-il. Au contraire, on part du texte pour essayer de comprendre ce qu'il nous raconte en lui donnant le plus de chance possible d'exister par lui-même. Trouver la place de l'interprète dans ce contexte est un travail très subtil. «

Cette recherche doit se poursuivre, tant dans l'authenticité que dans la redécouverte du répertoire oublié, croit-il.

«On doit continuer à fouiller, car on n'a pas fini de retrouver des oeuvres nouvelles. Ce qu'il y a de beau, avec le baroque, c'est sa possibilité de surprendre par de la nouveauté, tout en restant dans un langage harmonique dans lequel on se retrouve. L'auditeur ne se sent jamais perdu.»

Arion Orchestre Baroque, avec Christophe Rousset, 28 et 29 octobre, conférence à 19h et concert à 20h; 30 octobre, conférence à 13h et concert à 14h.