Bien que leurs noms soient complètement inconnus, le programme de Wolfgang David et Mauro Bertoli justifiait le déplacement. Ainsi, je n'ai retracé qu'une exécution précédente, ici, de la sonate collective F.A.E.: l'an dernier, le 13 mai 2010, au Festival de Denis Brott, par Ilya Kaler et Ignat Solzhenitsyn.

Rappelons que, seule du genre au répertoire, l'oeuvre en quatre mouvements fut conçue en hommage au violoniste Joseph Joachim par Schumann (il signa les 2e et 4e mouvements), Brahms (3e mouvement) et leur ami Albert Dietrich (1er mouvement). Le titre se réfère à la devise de Joachim, Frei aber einsam, c'est-à-dire Libre, mais seul.

Par ailleurs, il est extrêmement rare que les deux principales Sonates pour violon et piano de Schumann (datées de l'automne 1851) figurent au même programme. Le seul souvenir que je conserve à cet égard date du 28 mars 1988: Gidon Kremer et Martha Argerich.

Le récital des nouveaux venus David et Bertoli offrait donc un intérêt certain, en raison du programme. Hélas! cet intérêt s'est limité à ce qu'on lisait sur le papier.

M. David sait jouer du violon, cela est certain: mécanisme de base, pleine sonorité, l'essentiel est là. Le problème, c'est qu'il joue presque continuellement un petit peu faux et ne semble pas s'en rendre compte. Au Conservatoire, un élève qui aurait de tels problèmes de justesse se ferait interdire de jouer en public. M. David n'aurait que faire de telles interdictions : les notes biographiques nous apprennent qu'il a déjà joué devant la reine de Thaïlande! Dans un contexte aussi quelconque, il n'est même pas question de parler d'interprétation. À défaut d'interprétation, M. David a eu la merveilleuse idée d'omettre à peu près toutes les reprises dans les deux Schumann.

Il faut dire qu'au départ, il s'agissait d'un programme difficile. Intéressant dans les choix, oui, mais les deux Sonates de Schumann restent des oeuvres inégales (le déséquilibre mental s'y manifeste déjà) et le seul mouvement de la F.A.E. qui passe la rampe est le Scherzo signé Brahms, d'ailleurs le seul des quatre mouvements qui soit régulièrement joué isolément (Zukerman l'a justement inscrit à son récital de lundi soir à Pro Musica).

Une quatrième oeuvre s'ajoutait au programme, signée Rainer Bischof, compositeur autrichien d'observance dodécaphonique, né en 1947. Ici, problème encore. À l'entrée, deux programmes étaient remis au public : le programme habituel du Bon-Pasteur, en français, et un programme en anglais provenant du Consulat autrichien. Or, seul le programme du Consulat mentionnait la pièce de Bischof, ce qui fit conclure à des auditeurs que Schumann était un dodécaphonique...

Violoniste bien décevant, donc. Par contre, le pianiste est meilleur, à tous égards. La salle presque remplie a ovationné et certains ont crié «Bravo!» aussi fort qu'ils le pouvaient. Résultat: un rappel, Romanza andaluza de Sarasate.

WOLFGANG DAVID, violoniste, et MAURO BERTOLI, pianiste. Jeudi soir, Chapelle historique du Bon-Pasteur. Présentation : Consulat général d'Autriche et Société autrichienne de Montréal.

Programme :

Sonate no 1, en la mineur, op. 105 (1851) - Schumann

Sonate F.A.E., en fa majeur (1853) - Schumann, Brahms et Dietrich

Charakteristische Differenzen, op. 8 (1978) - Bischof

Sonate no 2, en ré mineur, op. 121 (1851) - Schumann