L'Orchestre de l'Académie Orford, créé l'an dernier par Jean-François Rivest pour marquer sa première saison comme directeur artistique du Centre d'arts Orford, rassemble, cette année encore, quelque 75 jeunes d'ici et de l'étranger. Ces jeunes y apprennent le métier de musiciens d'orchestre, comme ceux qui font partie de l'Orchestre de l'Université de Montréal dont Rivest est aussi le fondateur.

Et ils l'apprennent à rude école : ils se mesurent au répertoire des grands orchestres professionnels, rien de moins, travaillent en groupes avec des premiers-pupitres de l'OSM et, détail non négligeable, se produisent en public dans des conditions souvent plus difficiles que leurs aînés.

Jeudi soir, par exemple, ces jeunes jouaient non pas dans une salle climatisée mais dans la chaleur étouffante d'une église remplie de 500 auditeurs. Je les plaignais, comme je plaignais leur chef invité Kent Nagano, qui dirigeait en grande tenue de concert, et comme je plaignais le pianiste Benedetto Lupo, qui devait éviter de «glisser» sur le clavier humide!

Cette année encore, en effet, Rivest avait invité son ancien patron de l'OSM à diriger l'un des trois concerts de l'OAO, s'étant réservé les deux autres (31 juillet et 14 août). Comme la salle Gilles-Lefebvre, du Centre, ne peut recevoir un orchestre de 75 musiciens, les concerts ont encore lieu dans une église de Magog, mais, en raison des fréquentes manifestations bruyantes voisines de Saint-Patrice, l'orchestre se produit maintenant à l'autre bout de la ville, à Saint-Jean-Bosco. L'église de forme circulaire est plus vaste et l'acoustique y est fort acceptable. 

Adressant quelques mots à l'auditoire, Kent Nagano indiqua que ses liens avec la ville de Munich (il dirige à l'Opéra de Bavière) avaient inspiré son premier choix d'oeuvre : la quatrième Symphonie de Karl Amadeus Hartmann, compositeur qui naquit dans cette ville en 1905 et y mourut en 1963. Il s'agissait sans doute d'une première chez nous. Mes archives n'indiquent que deux exécutions précédentes ici de symphonies de Hartmann, toutes deux à l'OSM par Decker : la sixième en 1973, la première en 1978.

Créée en 1948, la quatrième Symphonie, en trois mouvements (deux lents encadrant un scherzo) et totalisant 31 minutes, ne réunit que les cordes de l'orchestre et les met à dure épreuve, principalement sur les plans de l'intonation et de la coordination. Les violons n'étaient pas toujours très justes, mais l'ensemble sonnait bien, avec de riches basses. Le public a d'ailleurs écouté avec attention cette musique pourtant sévère, proche de Hindemith et de Honegger. 

Une musique plus familière suivait : Mozart et son Concerto pour piano K. 595, le dernier du corpus. Spécialiste de ce répertoire, Benedetto Lupo joua avec son habituel équilibre de précision et d'expression, ornementant au mouvement lent, selon la tradition, et choisissant les cadences du compositeur.

Là encore, écoute attentive et silencieuse du public. Et, comme dans le Hartmann, aucun applaudissement entre les mouvements. Le public de Magog pourrait donner quelques leçons à ceux de Montréal et même de Lanaudière!

Nagano avait consacré l'après-entracte aux 33 minutes de Pétrouchka et avait choisi l'orchestration quelque peu réduite que Stravinsky prépara en 1947. L'effet n'est pas diminué pour autant : au plus fort de l'action, l'orchestre entièrement sollicité secoue littéralement les lieux. En total contraste, les personnages et les situations du scénario sont illustrés par des solos instrumentaux d'une étonnante beauté, particulièrement chez les vents. Oublions quelques petites bavures bien compréhensibles, surtout dans cette chaleur! Ces jeunes ont bien travaillé et méritent tout à fait l'ovation qu'ils ont reçue.

ORCHESTRE DE L'ACADÉMIE ORFORD. Chef invité : Kent Nagano. Soliste : Benedetto Lupo, pianiste. Jeudi soir, Église Saint-Jean-Bosco de Magog. Dans le cadre du Festival Orford 2011.

Programme :

Symphonie no 4, pour cordes (1947) - Hartmann

Concerto pour piano et orchestre no 27, en si bémol majeur, K. 595 (1791) - Mozart

Pétrouchka (1911, rév. 1947) - Stravinsky