Pascal Amoyel offrait lundi soir le quatrième et dernier récital de piano que le Festival de Lanaudière avait centré sur le bicentenaire Liszt. Le directeur artistique du Festival, Alex Benjamin, avait eu une sorte d'inspiration divine en invitant pour l'occasion le pianiste français à donner l'intégrale des Harmonies poétiques et religieuses.

Prolongement musical du recueil mystique du même nom, de Lamartine, la collection de 10 pièces est très rarement jouée en concert et très peu enregistrée. Pascal Amoyel en a signé un magnifique enregistrement, que j'ai commenté samedi dernier, et l'idée d'aller l'écouter en personne reprendre le recueil complet n'en était que plus fascinante.

Le pianiste jouait dans la petite église de Saint-Paul-de-Joliette, où 120 personnes environ étaient venues l'entendre. Que l'événement n'ait pas attiré davantage d'auditeurs, la chose déçoit, bien sûr, mais s'explique aussi. Cette «musique de l'âme», comme je l'ai moi-même identifiée, ne déplace pas les foules : elle est trop intérieure. Il fallait observer l'écoute dans cette église collée à un cimetière faisant écho à Funérailles et Pensée des morts, deux des pages les plus célèbres du recueil. Le silence était absolu, sans le moindre applaudissement entre les pièces. Comme transfigurés par la musique qui leur parvenait, certains avaient les yeux fermés, d'autres la tête entre les mains, comme pour mieux écouter et s'isoler du monde environnant.

Malgré la chaleur qui persiste, le pianiste traversa l'intégrale avec une rigueur et une sensibilité qui l'honorent : deux heures complètes, y compris l'entracte. L'ensemble de son interprétation était tantôt égale à celle de son enregistrement, tantôt plus poussée encore. Funérailles, Bénédiction de Dieu dans la solitude et Pensée des morts, les trois sommets du recueil, furent traduits avec encore plus de force et de lyrisme et avec cet art que possède Amoyel de laisser respirer et chanter la musique, cet art qui se rapproche, en fait, de l'improvisation.

Par ailleurs, il apporta une nouvelle fraîcheur aux pièces moins heureuses comme l'Ave Maria, le Pater noster, l'Hymne de l'enfant à son réveil et le Cantique d'amour.

La réverbération dans les églises demeure cependant un problème à régler. Bien qu'elle soit moins marquée à Saint-Paul qu'à L'Assomption, par exemple, il reste que les doubles octaves «fortissimo» d' Invocation et de Funérailles créaient un désagréable vrombissement. Le pianiste salua plusieurs fois et eut le bon goût de ne rien ajouter à ce qu'il avait si bien dit.

PASCAL AMOYEL, pianiste. Lundi soir, église de Saint-Paul-de-Joliette. Dans le cadre du 34e Festival de Lanaudière. Radiodiffusion : Radio-Canada, 3 août, 20 h.

Programme : Harmonies poétiques et religieuses, S. 173 (1845-52) - Liszt