La 100e édition du Festival de Bayreuth, consacré à l'oeuvre de Richard Wagner, s'est ouverte lundi avec l'opéra «Tannhäuser», sur fond de controverse autour de l'intention d'un orchestre israélien d'y jouer une oeuvre du compositeur préféré des nazis.

Chaque année, le gotha de la politique, de l'économie et du monde du spectacle allemand se retrouve pour l'ouverture de cette manifestation au «palais du festival», le Festspielhaus, construit en 1876 sur la «Colline verte» dominant cette ville du sud de l'Allemagne.

La chancelière Angela Merkel, son ministre des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, et le président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, étaient au rendez-vous.

Mais si la nouvelle mise en scène de Tannhäuser, opéra romantique considéré comme l'oeuvre de jeunesse la plus importante de Wagner, par le jeune chef baroque allemand, Thomas Hengelbrock, était très attendue, une autre controverse occupait les esprits.

Mardi, dans une autre salle de Bayreuth, l'Orchestre de chambre israélien (OCI), invité dans le cadre du bicentenaire de la naissance du compositeur Franz Liszt, terminera son concert en interprétant «Siegfried-Idyll» de Wagner.

Or, Richard Wagner (1813-1883) était un antisémite notoire, dont la musique était adulée par le régime nazi, qui avait, par ailleurs, fait de Bayreuth une sorte de «ville modèle».

L'oeuvre de Wagner reste taboue en Israël, même si en juillet 2001, le chef d'orchestre argentino-israélien Daniel Barenboïm avait osé jouer un extrait de Tristan et Isolde, avec l'Orchestre philharmonique de Berlin, à Jérusalem.

«Mon père et moi étions dans la salle», a raconté à l'AFP Dan Erdmann, 27 ans et premier clarinettiste de l'OCI.

Barenboïm «a dit que ceux qui souhaitaient ne pas l'entendre pouvaient sortir. Il y a eu environ 30 ou 40 personnes qui sont parties, parfois en criant, en jurant ou en claquant la porte. Mais à la fin ceux qui sont restés ont fait une ovation debout», a-t-il ajouté.

Dix ans plus tard, la polémique reste vive en Israël. Le ministre de la Culture a même dû intervenir pour que les subventions à l'Orchestre de chambre ne soient pas supprimées.

Lundi encore, un communiqué de l'association des survivants de l'Holocauste et de leurs familles qualifiait la décision de l'orchestre de jouer du Wagner à Bayreuth de «rupture honteuse de la solidarité avec les personnes qui ont souffert des horreurs» nazies.

La ville de Bayreuth tente pourtant, à travers cette invitation et d'autres initiatives, comme le projet de création d'un centre culturel juif, de tirer les leçons de son passé.

De même, Katharina Wagner, 32 ans, codirectrice du festival et qui a parrainé la venue de l'OCI à Bayreuth, s'est engagée à ouvrir les archives familiales pour que les liens entre les Wagner et le national-socialisme puissent être étudiés de façon transparente.

«Elle le fera quand elle le fera. Mais quand elle le fera ce sera un geste positif», a dit à ce sujet à l'AFP, Felix Gothart, responsable de la communauté juive de Bayreuth, qui compte environ 500 membres, soit le double de ceux recensés en 1933, à l'arrivée au pouvoir d'Hitler.

Toutefois, «je pense que la venue de l'orchestre aurait dû se faire de façon plus discrète», a-t-il ajouté, «à partir du moment où il y a ne serait-ce qu'une personne qui se sent blessée par le fait que du Wagner est joué par des Juifs en Allemagne, il aurait mieux valu ne pas faire autant de bruit autour».

Le récital aura lieu en fin de matinée, et le festival proprement dit pourra reprendre son cours «normal» par la suite.

Trente représentations d'oeuvres choisies parmi les dix principaux opéras de Richard Wagner seront données à guichets fermés jusqu'au 28 août dans ce temple de 1 974 places bâti par le compositeur.