Organiste à Saint-Sernin de Toulouse et à la Chapelle du Château de Versailles, mais encore peu connu en Amérique, Michel Bouvard a apporté jeudi soir une éclatante conclusion au stage 2011 de l'Académie estivale d'orgue de McGill sous la forme d'un récital consacré au centenaire de Jehan Alain.

Frère de la célèbre organiste Marie-Claire Alain et du musicologue Olivier Alain, Jehan Alain naquit en 1911 et mourut très jeune, au champ d'honneur, en 1940, avec derrière lui, à seulement 29 ans, un imposant catalogue de quelque 180 pièces, dont un grand nombre pour orgue.

Exploitant avec imagination et musicalité les ressources du puissant Casavant électropneumatique de Saint-Jean-Baptiste, M. Bouvard a donné à la musique de Jehan Alain une dimension qu'on ne lui connaissait pas.

Il a d'abord recréé par diverses adaptations les timbres souhaités par l'auteur, les enregistrements de sa soeur Marie-Claire servant ici de référence. Ainsi, les couleurs «exotiques» des Deux Danses à Agni Yavishta ou de la Deuxième Fantaisie.

Mieux encore, l'invité retrouva l'esprit des oeuvres plus denses. À cet égard, le sommet du récital fut sa réalisation des Trois Danses. Les trois pièces furent jouées d'une seule traite, chacune conservant cependant son caractère. À la fin de la première, intitulée Joies, c'était merveille d'entendre l'organiste «ajouter progressivement tous les jeux du Positif», comme le prescrit l'auteur. Il plaça la deuxième pièce, Deuils, sur le mélange de jeux très sombres qu'appelle le titre. Et il souligna avec force les dramatiques interruptions qui secouent la dernière pièce, Luttes.

Les inévitables mais irrésistibles Litanies, qui sont l'oeuvre la plus connue de Jehan Alain, reçurent une lecture magistrale, tout comme le Prélude et Fugue sur le nom d'Alain, que Maurice Duruflé signa en 1943 en souvenir de son élève disparu, et que M. Bouvard traduisit en faisant appel à l'orgue complet de Saint-Jean-Baptiste.

Un autre organiste français invité cet été à McGill, Olivier Latry, participait à ce récital, mais à titre de lecteur. Avec une rare intelligence du texte et une diction parfaite, il lut de larges extraits de la correspondance de Jehan Alain. Il y a là certaines observations futiles, d'autres qui laissent beaucoup plus songeur. Exemple : «Je voudrais que chacun trouve sa propre pensée et non pas la mienne dans ma musique.»

MICHEL BOUVARD, organiste. Jeudi soir, à l'orgue à traction électropneumatique Casavant (1915-1995; 68 jeux, quatre claviers manuels et pédale) de l'église Saint-Jean-Baptiste. Lecteur : Olivier Latry. Dans le cadre de l'Académie estivale d'orgue de l'Université McGill.