Les dernières minutes de cette Bohème de fin de saison de l'Opéra de Montréal m'ont tiré les larmes, comme c'est toujours le cas. La petite Mimi va mourir, tous les personnages le savent et s'éloignent lentement, comme pour ne pas voir la mort en face. L'un après l'autre, ils s'immobilisent, l'orchestre lui-même se fait presque silencieux... puis c'est le terrible cri de Rodolfo : «Mimi! Mimi!».

Difficile de passer à côté de ce que Puccini, homme de théâtre autant que musicien, a si génialement planifié. Il suffit de suivre ce qui est écrit dans la partition... et c'est ce qu'on a fait cette fois encore. Le résultat est plus inégal durant les deux heures qui précèdent.

Au départ, le nouveau décor a quelque chose d'un peu comique. Nos quatre artistes sans le sou n'habitent plus une pauvre mansarde mais un vaste loft éclairé d'une immense et magnifique verrière à la pleine grandeur de la scène, genre Fonderie Darling, et assorti d'une série de marches qui pourront être recyclées pour une prochaine Aida. La silhouette de Paris, au bas, situe le spectateur. Sur la cage d'escalier, à gauche, le peintre Marcello a installé son chevalet - un choix valable. On ne comprend tout simplement pas pourquoi, au dernier acte, Colline y grimpe pour chanter le court adieu à son vieux manteau. Une fantaisie de metteur en scène, comme celle, au premier acte, où Mimi et Rodolfo cherchent, en restant debout, la clé tombée sur le plancher!

Concernant les costumes, rien de particulier à signaler : l'OdM a repris ceux des productions précédentes. On a malheureusement coiffé la pauvre Mimi d'une grosse casquette qui lui donne un genre gavroche très déplacé. Le texte parle pourtant d'un petit chapeau.

Mimi est le personnage central de La Bohème et Marianne Fiset, très en voix et pleinement identifiée au rôle, est incontestablement l'héroïne du spectacle. Cette Mimi à la fois simple, intense et vraie projette une voix toujours belle et étonnamment puissante, même lorsque les surtitres nous informent qu'elle n'en a plus que pour une demi-heure! Par ailleurs, Marianne Fiset et Antoine Bélanger forment un couple d'amoureux vraisemblable. Je parle de l'attitude. À son mieux, la voix de M. Bélanger est simplement écoutable; à son pire, elle bouge et le timbre n'est pas beau.

Le début du spectacle est lent, comme toujours : les frasques des quatre amis n'amusent plus. Mais la visite inattendue du propriétaire fait rire, comme toujours. Le tableau du Café Momus (où l'on retrouve la cage d'escalier du premier acte!) ne vit que par la présence et la voix de la Musetta de Lara Ciekiewicz. Le tableau suivant, qui met en contrepoint les adieux de Mimi et Rodolfo et la dispute de Marcello et Musetta, est une réussite sur le plan dramatique. Ici encore, Étienne Dupuis, en Marcello, confirme sa solidité comme chanteur et comme acteur. Pierre Rancourt en Schaunard pousse une voix bien sonore, mais Alexandre Sylvestre n'apporte rien au personnage de Colline.

Les choeurs sont vivants. Le jeune chef Giuseppe Pietraroia crée une belle atmosphère au sein de l'Orchestre Métropolitain mais il n'arrive pas toujours à épouser les rubatos élastiques des chanteurs.

LA BOHÈME, opéra en quatre actes, livret de Giuseppe Giacosa et Luigi Illica, d'après Henri Murger, musique de Giacomo Puccini (1896).

Production: Opéra de Montréal. Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Première samedi soir. Autres représentations: 25, 28, 30 mai et 2 juin, 20 h, et 4 juin, 14 h. Avec surtitres français et anglais.

Distribution:

Mimi : Marianne Fiset, soprano

Rodolfo : Antoine Bélanger, ténor

Marcello : Étienne Dupuis, baryton

Musetta : Lara Ciekiewicz, soprano

Colline : Alexandre Sylvestre, basse

Schaunard : Pierre Rancourt, baryton

Benoît et Alcindoro: Roy Del Valle, baryton

* * *

Mise en scène: Alain Gauthier

Décors : Olivier Landreville

Costumes : Opéra de Montréal

Éclairages: Claude Accolas

Choeur de l'Opéra de Montréal (dir. Claude Webster) et Orchestre Métropolitain

Direction musicale : Giuseppe Pietraroia