L'Orchestre baroque Arion consacre son programme de ce week-end (hier soir, ce soir et demain après-midi) à Carl Philipp Emanuel Bach. L'idée en vaut bien d'autres, même si elle n'est pas nouvelle. Arion en est à au moins son deuxième programme C. P. E. Bach, devancé en ce sens en 2002 par la Chapelle de Montréal de Nézet-Séguin (ensemble aujourd'hui disparu) et en 2006 par les Violons du Roy.

Le rôle de C.P.E. Bach dans l'histoire de la musique est intéressant. Né en 1714, mort en 1788, ce fils de Johann Sebastian Bach établit la transition entre son illustre père et le tandem Haydn-Mozart, c'est-à-dire entre le baroque et le classicisme. Très personnelle, pleine d'idées nouvelles, comme ces arrêts subits du discours, ces modulations inattendues, ces étonnants unissons, la musique de C. P. E. Bach annonce même les audaces du romantisme. Malgré le cadre restreint de 13 musiciens, ce programme d'Arion constitue une illustration valable de la production et de l'originalité du compositeur.

Ouvrant le concert, la Sonate pour deux violons au sous-titre explicite, Le Sanguin et le Mélancolique, est traduite avec réalisme par Chantal Rémillard, pilier d'Arion, aux accents souvent moqueurs, et son élève Tanya La Perrière, à la sonorité parfois proche de l'alto.

Le programme est dirigé du clavecin par Mahan Esfahani, jeune musicien iranien inconnu, qui remplace Gary Cooper (retenu en Angleterre par ses devoirs de père, fait-on savoir). L'invité dit quelques mots sur le compositeur mais ne nous apprend rien de nouveau.

La Symphonie en si bémol exige une grande virtuosité orchestrale et trouve Arion à la hauteur, surtout dans les tutti bien fournis, parfois un peu moins dans le détail.

La directrice et fondatrice, la flûtiste Claire Guimond, s'est réservé un concerto et un quatuor qu'elle défend avec son habituel professionnalisme, bien qu'on sente ici et là la grande difficulté de certaines cadences.

L'invité clôt le programme avec un concerto qu'il décide de jouer en chemise. Il est vrai qu'il fait plutôt chaud dans ce Redpath mal aéré! Sans doute pour retrouver l'esprit de C. P. E., il glisse au mouvement lent sur des rubatos que les musiciens autour de lui ne semblent pas comprendre. Tout à l'opposé, l'interminable finale lui permet de montrer qu'il peut jouer plus vite que n'importe qui. Découvre-t-on là un grand musicien ? Je ne pense pas.

Salle bien remplie, applaudissements, mais pas de rappel.

ORCHESTRE BAROQUE ARION. Chef invité : Mahan Esfahani, claveciniste. Soliste: Claire Guimond, flûtiste. Hier soir, Redpath Hall de l'Université McGill. Reprise ce soir, 20h, et demain après-midi, 14h. Avant chaque concert: conférence de 45 minutes de François Filiatrault.

Programme consacré à C. P. E. Bach (1714-1788):

Sonate en do mineur pour deux violons et basse continue (Sanguineus et Melancholicus), Wq 161/1

Symphonie en si bémol majeur, pour cordes, Wq 182/2

Concerto en sol majeur pour flûte et cordes, Wq 169

Quatuor en la mineur pour flûte, alto, violoncelle et clavecin, Wq 93

Concerto en ré mineur pour clavecin et cordes, Wq 23