L'être humain face au système et à la répression. C'est le thème de l'opéra Le Consul, de Gian Carlo Menotti, présenté par l'Atelier lyrique de l'Opéra de Montréal, en collaboration avec l'École nationale de théâtre, au Monument-National, à compter de ce soir.

Si, dans l'oeuvre, les protagonistes peinent à obtenir leur fameux visa pour la liberté, pour ses jeunes interprètes, un passage à l'Atelier constitue bien souvent un visa pour une carrière lyrique à la mesure de leurs ambitions.

En effet, depuis la fondation de l'Atelier lyrique en 1984, plusieurs des 161 chanteurs qui sont passés par cette école connaissent de belles carrières sur la scène internationale. Il suffit de penser, par exemple, à Marc Hervieux, ou à Julie Boulianne, qui vient de faire ses débuts au Met.

Pour cette nouvelle production, on a invité le baryton Étienne Dupuis, qui vient tout juste de passer deux mois à chanter en France, à interpréter John Sorel.

«Depuis que j'ai terminé l'Atelier il y a cinq ans, je n'ai pas arrêté d'enchaîner les rôles, dit Étienne Dupuis. C'est la beauté de l'Atelier lyrique: il permet aux jeunes chanteurs de démontrer qu'ils sont prêts à se faire confier des rôles intéressants.»

Au moment de rencontrer La Presse, il avait d'ailleurs appris depuis peu qu'il chanterait dans deux représentations d'Il barbiere di Siviglia à Berlin, l'an prochain.

En tant que John Sorel, il donnera la réplique à Caroline Bleau, qui jouera son épouse et la véritable héroïne de l'histoire, Magda Sorel. Pour la jeune soprano, il s'agit d'un premier rôle depuis sa sortie de l'Atelier, en juin dernier.

«Un rôle difficile sur le plan vocal et dramatique, mais dans lequel je suis à l'aise, dit-elle. Je m'y suis glissée un peu comme dans des pantoufles.»

Selon Michel Beaulac, directeur de l'Opéra de Montréal, c'est d'ailleurs le cas pour l'ensemble des chanteurs de la production. «La raison première pour laquelle nous avons choisi cette oeuvre est que nous avions une combinaison de voix idéale, où tout le monde aurait pratiquement un rôle sur mesure», dit-il.

À Montréal, les productions d'opéra des différentes écoles de musique font souvent salle comble. «C'est parce que les jeunes chanteurs se donnent vraiment à fond, dit Étienne Dupuis. Le public y retourne année après année, c'est la plus belle preuve qu'on fait bien notre travail.»

L'intrigue

Dans un état totalitaire d'après-guerre, John Sorel, dissident politique, est en exil et recherché par la police secrète. Son épouse, Magda, tente désespérément d'obtenir un visa pour aller le rejoindre. Mais elle se heurte à une bureaucratie implacable dans la salle d'attente du Consul.

Même si le titre de la production est annoncé en français, l'oeuvre est présentée entièrement dans la langue de Shakespeare. L'un des opéras les plus connus et les plus aimés de Menotti, The Consul a remporté le prix Pulitzer lors de sa création en 1950.

La mise en scène sera celle d'Oriol Tomas, qui a passé trois ans à l'Atelier lyrique, où l'on forme aussi des metteurs en scène et des pianistes accompagnateurs. Pour cette production, il a voulu créer des images fortes, mettant en évidence le désespoir et la frayeur des personnages devant l'État.

«Je voulais que le décor amène une réflexion supplémentaire, dit-il. Pour représenter l'état qui opprime l'individu, nous avons placé un mur qui symbolise la barrière devant l'espoir, et dès la deuxième scène, ce mur retombe littéralement sur la maison des Sorel. Il écrase le peuple, et forme une pente sur laquelle les chanteurs devront ensuite se déplacer.»

Orchestre de chambre

L'Atelier lyrique entame cette année un nouveau partenariat avec l'Orchestre de chambre McGill, qui sera dirigé par Claude Webster. En collaboration avec l'altiste François Vallières, il a écrit un nouvel arrangement pour piano, quatuor à cordes, contrebasse et clarinette.

«La partition demande un immense orchestre, mais nous étions limités par des questions financières, explique Claude Webster. Cet arrangement donne un effet beaucoup plus intéressant qu'un simple accompagnement avec piano. La clarinette, qui est aussi très présente dans l'orchestration de Menotti, permet d'évoquer la solitude et la douleur vécues par Magda.»

Le consul, 5, 7, 9, 10 et 12 mars, Monument-National.