Les effectifs de l'Orchestre symphonique des étudiants de McGill sont au maximum permis à Pollack : 127 garçons et filles. Avec leurs instruments, ils occupent tellement tout l'espace qu'il faut placer le piano en bas de la scène. Dans la salle de 600 places, le spectacle est tout à l'opposé. Voyant des sièges vides partout, il me vient à l'idée de compter les spectateurs. J'en ai effectivement repéré... environ 127.

Par ce concert, Alexis Hauser, le titulaire de McGill, veut souligner les 85 ans de Pierre Boulez, fût-ce avec un an de retard (le compositeur est né le 26 mars 1925). L'assistance incroyablement faible fait conclure que la musique très aride, très complexe et très bruyante de Boulez n'intéresse personne.

Hauser a programmé les Notations dans leur version orchestrale. Comme le programme remis à la porte ne contient aucune explication, le chef se porte volontaire et raconte la genèse de l'oeuvre du mieux qu'il peut, dans son anglais un peu confus et alourdi d'accent viennois.

Heureusement, on sait déjà certaines choses. À l'origine, Notations sont 12 petites pièces pour piano que Boulez composa en 1945. Il avait alors 20 ans et étudiait chez Messiaen. Devenu «le maître absolu du monde musical contemporain», Boulez entreprit en 1978 de porter à l'orchestre ces «péchés de jeunesse» pianistiques. On ne s'explique pas ce zèle, les pièces en soi et les orchestrations n'offrant rien de particulièrement original.

Quoi qu'il en soit, on peut rappeler que Dutoit et l'OSM donnèrent en 1983 les quatre Notations orchestrées à ce moment-là et que Louise-Andrée Baril joua les 12 Notations pour piano à la SMCQ en 1990.

Dans le présent programme de McGill (repris ce soir), Hauser ajoute une cinquième Notation, mais sans expliquer pourquoi elle porte le numéro 7, pourquoi la version orchestrale de chaque pièce est beaucoup plus longue que la version pianistique, et pourquoi l'ordre d'exécution est celui-ci : 1, 7, 4, 3, 2.

Par contre, l'idée était originale de faire entendre d'abord la version piano, ensuite la version orchestre. Les quelques minutes que la jeune Gili Loftus a à sa disposition révèlent une étonnante force pianistique. Hauser, quant à lui, apporte le maximum au sujet qu'il a choisi et communique son enthousiasme à tout l'orchestre.

Il défend avec le même soin les deux oeuvres jouées avant l'entracte. Tout d'abord, une création, Supposed Spaces, de Brian Harman, qui termine présentement son stage de «resident composer» de l'orchestre. La pièce de 16 minutes se déploie sur plusieurs plans et sur une dynamique extrêmement étendue, depuis des sifflements terriblement perçants jusqu'à des agrégats à peine audibles. Dans les circonstances, on peut ignorer le scénario dont l'auteur assortit sa pièce.

On retrouve ensuite le Concerto pour flûte de 1992 de l'Américain Lowell Liebermann, que Timothy Hutchins joua trois fois à l'OSM. Edward Brescacin, le soliste de McGill, n'a rien à envier à son aîné. Il joue de mémoire et avec une technique, une sonorité et une musicalité impeccables l'oeuvre en trois mouvements qui le sollicite pendant 26 minutes.

Le concerto lui-même appelle bien des réserves cependant : échos trop évidents de Chostakovitch, Prokofiev, Korngold, Holst, etc., et mouvement lent profondément ennuyeux.

ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE McGILL / McGILL SYMPHONY ORCHESTRA. Chef d'orchestre : Alexis Hauser. Solistes : Edward Brescacin, flûtiste, et Gili Loftus, pianiste. Hier soir, Pollack Hall de l'Université McGill. Reprise ce soir, 19h30.

Programme :

Supposed Spaces (2010) (création) - Harman

Concerto pour flûte et orchestre en sol majeur, op. 39 (1992) - Liebermann

Notations, version pour piano (1945) et version pour orchestre (1978-1997) - Boulez