Le pianiste français Alexandre Tharaud est un habitué du Canada et du Québec. Presque chaque année, il y resserre des liens qu'il tisse avec son public depuis les débuts de sa carrière internationale. Cette fois, il vient jouer Haydn et Mozart à titre de soliste invité par Les Violons du Roy.

«La fidélité entre un artiste et son public, ça procède de la même mécanique que la fidélité en amitié ou en amour. J'aime cette idée de revoir un même public car on se comprend mieux avec le temps», estime Alexandre Tharaud, jeune quadragénaire à la voix claire, aux réparties limpides et d'autant plus généreuses.

Entrer en relation est une valeur cardinale pour le musicien, est-il besoin de l'ajouter.

«Mon public est international, mais je privilégie certains pays, car on ne peut jouer partout. J'aime venir très souvent au Canada, presque chaque année. J'aime aussi le Japon, Taïwan, Hong Kong, la Malaisie ou le Brésil. On m'y offre des possibilités de jouer absolument extraordinaires. J'aime jouer là où je peux travailler avec un public que je retrouverai.»

Avant son épanouissement sur scène, la carrière de Tharaud s'est construite avec ses albums.

«Il s'est créé un lien peut-être virtuel mais fort auprès du public avec lequel j'ai construit et entretenu une relation.»

Qui plus est, cette carrière a été alimentée par le biais d'un répertoire discographique pour piano seul qu'il estime «cohérent». Entre autres Bach, Schubert, Chopin, Debussy Satie ou, tout récemment, 18 sonates de Scarlatti (sous étiquette Virgin Classics), les musiques pour piano enregistrées par le musicien français lui ont valu une renommée mondiale.

«Je saute à travers les siècles mais je choisis des compositeurs d'une même famille. Bach n'est pas très éloigné de Chopin et ce dernier n'est pas très éloigné des compositeurs français du 20e siècle. Je ne sens pas ces compositeurs rattachés à une époque précise mais plutôt faisant partie d'une même famille dans laquelle il y a des arrières-grands-pères, des grands-pères, des pères et des fils.»

Parisien de naissance, le pianiste s'est entre autres fait connaître avec ses enregistrements de musique française: Debussy, Poulenc, Ravel, mais aussi Couperin et Rameau, compositeurs baroques dont il a relancé les transcriptions pour piano des oeuvres pour clavecin.

«Jusqu'aux années 60, explique-t-il, les pianistes jouaient Rameau et Couperin, puis de grands clavecinistes se sont imposés. Du coup, les pianistes se sont repliés. Il fallait qu'un pianiste s'y remette. Je l'ai fait, puis d'autres ont trouvé le courage de poursuivre. Avec raison: ces musiques sonnent de manière extraordinaire sur un piano.  Ainsi, j'ai eu le sentiment d'être utile, car ma démarche a permis à des gens qui n'aiment pas le clavecin de découvrir cette musique. Ou même de s'intéresser au clavecin par la suite. Pour moi, il demeure très important de me sentir utile.»

Alexandre Tharaud a peu enregistré avec orchestre. La moitié de ses engagements sont des récitals, suivis des concerts avec orchestres de chambre et, moins souvent, aux côtés d'orchestres symphoniques. Avec Les Violons du Roy, il dit entretenir une relation privilégiée, d'où ces deux concerts au Palais Montcalm de Québec (hier vendredi) et celui à l'église St. James United (ce soir samedi).

Le pianiste et l'orchestre présenteront ensemble deux concertos pour piano et orchestre, l'un de Haydn et l'autre de Mozart.

«C'est pour moi très intéressant de travailler ces deux compositeurs avec un chef spécialiste de la musique baroque, parce qu'il a un regard plus prononcé sur le style. En général, ça donne un résultat plus transparent. Bernard Labadie a une culture phénoménale de la musique baroque, il comprend d'où vient la musique de Mozart, d'où elle prend source. Quand on connaît bien la musique baroque c'est-à-dire les compositeurs ayant  précédé Haydn ou Mozart, on comprend mieux leur musique.

«Ce concerto de Haydn au programme, poursuit notre interviewé, je le joue depuis très longtemps.  J'en ai écrit moi-même les cadences en faisant des clins d'oeil à Mozart, ce qui me semble amusant dans ce contexte. Quant concerto de Mozart, c'est une prise de rôle, car je le mets à mon répertoire pour la première fois. C'est d'ailleurs Bernard Labadie qui m'a encouragé à le jouer. Je réalise aujourd'hui qu'il s'agit d'un moteur extraordinaire dans la production de Mozart.»

Au fait, comment Les Violons du Roy, grands spécialistes du baroque, s'arrangent-ils avec Mozart?

«Vous savez, quand on est un bon musicien classique, on joue tout bien. Les Violons du Roy ont joué énormément Mozart, en fait. Avec eux, j'ai déjà joué Bach et j'en garde un souvenir extraordinaire, j'avais donc très envie de rejouer avec eux. Ensemble, nous ferons une tournée en Europe l'automne prochain. Je serai très content de présenter cet orchestre au public français qui ne le connaît pas bien.

«Ce qu'il y a d'extraordinaire avec Les Violons du Roy, de renchérir Alexandre Tharaud, c'est qu'on prend le temps de travailler - contrairement aux orchestres symphoniques dont la préparation se limite généralement à une seule répétition. On finit par connaître chaque musicien et on se répond comme si on jouait toujours ensemble.»

Entrer en relation, bien entendu.

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Ce samedi, 19 h 30, à l'église St. James United, Alexandre Tharaud se produit avec Les Violons du Roy sous la direction de Bernard Labadie. Au programme prévu pour le soliste: le Concerto de Haydn pour piano en ré majeur, Hob. XVIII: 11, ainsi que le Concerto de Mozart pour piano no. 9 en mi bémol majeur, K. 271 «Jeune homme».