Il était normal que notre grand spécialiste de la mélodie française, Marc Boucher, signe à son tour une intégrale Henri Duparc. Sans être parfaite au plan vocal, son interprétation retient continuellement l'attention grâce à une totale identification au texte, une diction impeccable et, par-dessus tout, la simplicité et le ton de confidence qu'il apporte à chaque mélodie sans exclure pour autant de réels éclats dramatiques.

La vive et subtile présence du pianiste Olivier Godin, le collaborateur habituel du chanteur, compte pour beaucoup dans cette réussite.

À l'occasion de la parution de l'intégrale de Michèle Losier, en 2009, j'avais établi la discographie des mélodies de Duparc et n'y reviendrai donc pas, sauf pour rappeler que la plupart des soi-disant «intégrales» - y compris les trois de Gérard Souzay - se limitent aux 12 mélodies pour voix d'homme reconnues par le compositeur. Les plus célèbres, Chanson triste, L'Invitation au voyage, La Vie antérieure, Le Manoir de Rosemonde, Lamento, Soupir et Phidylé, sont sur des poèmes de Baudelaire, Théophile Gautier et Sully-Prudhomme, notamment.

Depuis l'enregistrement de François Le Roux, réalisé chez REM en 1987, la tendance est d'inclure les trois mélodies de jeunesse que le compositeur avait rejetées (Sérénade, Romance de Mignon et Le Galop), la mélodie Au pays où se fait la guerre, dont le texte requiert une voix de femme, et le duo La Fuite - pour un grand total de 17 titres.

L'intégrale de Marc Boucher contient ces 17 titres, mais trois d'entre eux font intervenir la soprano Anne Saint-Denis. Celle-ci défend bien Au pays où se fait la guerre, une belle pièce que Léopold Simoneau avait «osée» dans son anthologie de 1955, alors que, partout ailleurs, et en toute logique, elle est confiée à une voix de femme. Mme Saint-Denis est cependant moins heureuse, aux plans de la voix et de la diction, dans Mignon et le duo, deux pages d'ailleurs sans grand intérêt.

Les réserves qu'appelle la voix de Marc Boucher sont minimes. On note à deux ou trois moments un léger plafonnement ou la nécessité de modifier une syllabe pour produire le son requis (par exemple, dans Soupir).

J'ai davantage de réserves sur le livret qui accompagne le disque. Le nom du poète est encore orthographié «Gauthier»; on y apprend aussi que «la moitié de ces mélodies a été enregistré (sic) par Duparc lui-même» !

*** 1/2

Duparc: Mélodies.

Marc Boucher, baryton; au piano: Olivier Godin.

DISQUES XXI, 1705.