Le retour de l'Orchestre Symphonique de Montréal après deux semaines de relâche marque aussi celui de deux personnalités du monde musical international: Sir Roger Norrington, chef britannique de 76 ans, et Salvatore Accardo, violoniste italien de 69 ans.

La dernière visite de M. Norrington date de 2006; celle de M. Accardo, de 1993. Les deux musiciens font partie du jury du Concours OSM qui s'ouvre ce matin, mais l'aspect le plus intéressant de leur présence ici est leur concert d'hier soir, repris exceptionnellement demain soir.

Le programme débute par la Symphonie no 49 de Haydn, cette Passione qui aurait été écrite pour la Semaine sainte. C'est en effet l'une des symphonies les plus sombres de Haydn : tous les mouvements sont dans la même tonalité de fa mineur (seul le Trio du Menuet est en majeur).

Mes archives me rappellent que M. Norrington avait dirigé cette Passione à l'OSM en 1990 - la même symphonie, parmi plus de 100 du même compositeur! «Ennuyeux à périr», avais-je alors écrit. Rien de cela hier soir. M. Norrington a commis de bien mauvais concerts à l'OSM dans le passé, mais son noble Elgar de 2006 (première Symphonie) nous avait réconciliés avec lui et il en est de même du présent concert.

Dans le Haydn, il recherche la couleur de l'époque en réduisant l'orchestre de moitié, en réduisant aussi le vibrato, et en plaçant les violons à sa gauche et à sa droite. Mieux encore, il retrouve l'esprit de l'oeuvre par une direction très sobre et extrêmement concentrée. Il ne fait que la première reprise aux deux premiers mouvements, mais il fait les deux au finale.

L'OSM au grand complet remplit la scène après l'entracte pour les Variations Enigma, d'Elgar déjà nommé, que M. Norrington dirige de mémoire. Sa connaissance de ce vaste «concerto pour orchestre» et l'affection qu'il porte à cette musique sont évidentes. Ces 14 variations sont autant de petits portraits anonymes de personnes qu'Elgar connut ou aima, la 14e , pompeuse et bruyante, représentant Elgar lui-même. Avec un OSM en parfait accord avec lui, Norrington va au bout de chaque sentiment exprimé: humour, tristesse, délicatesse, et quoi encore.

Avant l'entracte, Salvatore Accardo joue sa spécialité: Paganini, quatrième Concerto. De son intégrale Paganini enregistrée à Londres en 1974-75 avec un Dutoit alors à peu près inconnu, je réécoutais le même quatrième Concerto avant le concert. Trente-cinq ans ont laissé des marques, bien sûr. La technique est encore impressionnante mais la sonorité a perdu de sa luminosité et la justesse n'est plus ce qu'elle était. Sur son Guarnerius del Gesù de 1733, M. Accardo joue sa propre cadence au premier mouvement, comme au disque.

Ovationné par un auditoire qui ne veut pas entendre - ou n'entend tout simplement pas - ses imperfections, le violoniste se lance seul dans un long rappel qu'il traverse presque sans problèmes: Paganiniana, fantaisie de Nathan Milstein (son regretté collègue) sur le fameux 24e Caprice.

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef invité: Sir Roger Norrington. Soliste: Salvatore Accardo, violoniste. Hier soir, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts; reprise demain soir, 20 h. Série «Grands Concerts»

Programme:

Symphonie no 49, en fa mineur, Hob. I:49 (La Passione) (1768) - Haydn

Concerto pour violon et orchestre no 4, en ré mineur (1829-30) - Paganini

Variations on an Original Theme («Enigma»), op. 36 (1898-99) - Elgar