L'Opéra de Montréal a voulu renouveler son répertoire en sortant des archives ce Roberto Devereux de Donizetti connu uniquement d'un certain nombre de fanatiques d'opéra italien. L'intention de l'OdM est des plus louables, mais, en toute honnêteté, je ne saurais dire que le résultat est bien convaincant.

Donizetti a laissé quelque 70 opéras et celui-ci ressemble à des quantités d'autres sortis de la même plume. L'écriture routinière sent le procédé, les situations les plus tragiques se déroulent sur des musiques sautillantes qui pourraient accompagner des ballerines en tutu et la partition ne comporte aucun grand air qui puisse être isolé du reste comme pièce de concert, sauf le «Vivi, ingrato» de la toute fin, et encore!

Au surplus, la production qui prenait l'affiche hier soir n'offre pas ces atouts vocaux qui seuls permettent à une oeuvre comme Roberto Devereux de passer la rampe. En dépit du titre, le grand rôle, ici, est celui de la reine Élisabeth Ière, d'Angleterre. Donizetti en a aussi fait une reine du bel canto et l'interprète doit être une virtuose vocale de tout premier plan.

La soprano grecque Dimitra Theodossiou, dont ce sont les débuts au Canada, possède une solide technique, mais on aimerait entendre autre chose que cette voix généralement stridente, voire chevrotante, à l'aigu forcé et même détimbré. Plus acceptable au plan du jeu, la nouvelle venue compose avec une certaine vérité le personnage de la femme trompée par ce Devereux dont, monarque, elle avait fait son favori en titre. À un moment ou deux, la voix colore effectivement l'émotion du coeur blessé. C'est très peu, dans un spectacle qui fait près de trois heures.

Le jeune ténor russe Alexey Dolgov joue bien ce Devereux équivoque, la voix est bonne et même raffinée. La mezzo américaine Elizabeth Batton détonne abondamment et se révèle presque nulle en Sara, l'amante de Devereux et rivale de la reine. Le baryton canadien James Westman joue et chante avec force le duc de Nottingham, mari de Sara, ami puis ennemi de Devereux. Rien à dire ou à redire sur les autres.

La réalisation scénique est assez originale. Sauf pour la première robe de la reine, un rouge vif sur crinoline démesurée, les très beaux costumes d'époque se détachent d'une profusion d'éléments de décor modernes et stylisés et de toiles mobiles, sur plancher miroitant comme une patinoire et au milieu d'éclairages frappants. Superflu, cependant, le manège final autour de l'escalier de métal. Les groupements de courtisans et de courtisanes sont ingénieux et chaque scène montre déjà, en second plan, les personnages qui vont figurer dans la scène suivante.

Au pupitre de l'Orchestre Métropolitain, Francesco Maria Colombo tire le maximum de la mince partition de Donizetti.

ROBERTO DEVEREUX, opéra en trois actes, livret de Salvatore Cammarano d'après la tragédie Élisabeth d'Angleterre, de François Ancelot, musique de Gaetano Donizetti (1837).

Production : Opéra de Montréal. Salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Première hier soir. Autres représentations : 17, 20, 22 et 25 novembre, 20 h. Avec surtitres français et anglais.

Distribution :

Roberto Devereux : Alexey Dolgov, ténor

Élisabeth Ière : Dimitra Theodossiou, soprano

Sara, duchesse de Nottingham : Elizabeth Batton, mezzo-soprano

Nottingham : James Westman, baryton

Lord Cecil : Riccardo Ianello, ténor

Sir Walter Raleigh : Taras Kulish, basse

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Mise en scène : Kevin Newbury

Décors : Neil Patel

Costumes : Jessica Jahn

Éclairages : D. M. Wood

Choeur de l'Opéra de Montréal (dir. Claude Webster) et Orchestre Métropolitain

Direction musicale : Francesco Maria Colombo