Gidon Kremer et sa Kremerata Baltica de 24 musiciens, entendus à Lanaudière en 2006, nous revenaient hier soir, cette fois pour inaugurer la nouvelle «Série classique» de la Place des Arts.

La salle Wilfrid-Pelletier, lieu du concert, peut recevoir 2850 spectateurs. Selon les organisateurs, il en est venu 1708, soit un peu plus d'une demi-salle. Le nom de Gidon Kremer aurait dû, en principe, attirer davantage d'auditoire. Mais il faut se rappeler que le célèbre violoniste n'était pas annoncé comme soliste d'un grand concerto et, surtout, que le programme était plutôt rébarbatif.

Des deux premiers noms figurant sur l'affiche, celui de Lera Auerbach est inconnu et celui de Giya Kancheli l'est presque autant. Beethoven suivait après l'entracte, mais avec un Quatuor op. 131 présenté dans une version peu familière.

Bref, il n'y avait pas lieu de se déplacer et ceux qui se sont abstenus ont fait le meilleur choix.

La première pièce, Sogno di Stabat Mater, de Mme Auerbach, se veut un rêve («sogno» en italien) à partir du Stabat Mater de Pergolesi. On n'y retrouve à peu près rien de l'original. Plutôt, de grosses dissonances en doubles cordes et de grossiers clusters. Facile et prétentieux, cela dure 13 minutes. Facile surtout. N'importe qui, avec un minimum de talent, n'a qu'à prendre n'importe quelle pièce de musique et en faire, comme dans le cas présent, n'importe quoi.

Monopolisant deux fois ce temps, 26 minutes, Silent Prayer, de M. Kancheli, avec voix d'enfant préenregistrée (!), appartient au même genre «mystico-minimaliste» dont le patriarche universel est l'ineffable Arvo Pärt - lequel, Dieu soit loué, était absent de cette affiche. Ici encore, même recette éculée de petits et de gros effets, de séquences très douces, mais vides, interrompues par de brusques secousses tout aussi vides.

Le silence quasi religieux avec lequel le public écoute ces élucubrations me dépasse. La patience humaine est vraiment sans limites...

L'après-entracte nous fait passer de la pire indigence musicale au génie absolu. Voici, en effet, Beethoven et son Quatuor op. 131, le plus complexe du corpus, avec ses sept mouvements enchaînés, aux formes et aux durées contrastantes, totalisant 40 minutes. Chacune des quatre voix instrumentales est jouée à l'unisson par l'un des quatre groupes orchestraux, à la différence que certaines entrées ou interventions importantes sont confiées à un seul instrument. Ainsi, M. Kremer, en blouse blanche tranchant sur les costumes noirs de ses musiciens, joue seul l'arabesque qui décore le troisième mouvement.

L'agrandissement de la partition à une vingtaine d'instruments n'ajoutait cependant rien à l'original. Tout d'abord, l'exécution comme telle n'avait pas toujours la précision souhaitée. Ensuite, et surtout, cette musique de l'âme y perdait en expression et tombait au niveau de la sérénade pour cordes.

Les applaudissements justifiaient peut-être un rappel, mais certainement pas deux. M. Kremer en donna deux, sans doute pour qu'il soit dit qu'il y eut «triomphe». Pour ceux que la chose intéresse, ces deux pièces sont d'Astor Piazzolla et s'intitulent Melodia et Michelangelo.

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KREMERATA BALTICA. Chef d'orchestre: Gidon Kremer, violoniste. Hier soir, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts.

Programme:

Sogno di Stabat Mater (2009) - Auerbach

Silent Prayer
(2007) - Kancheli

Quatuor à cordes no 14, en do dièse mineur, op. 131 (1826) - Beethoven (transcription: Gidon Kremer et Victor Kissine)