Marc-André Hamelin a assuré un émouvant début de 62e saison à Pro Musica hier soir, salle Maisonneuve. On regrettait simplement que l'ex-Verdunois, acclamé à l'étranger comme l'un des grands virtuoses actuels du piano, se retrouve une fois de plus chez lui devant une salle à moitié remplie. Peu importe, à vrai dire: l'extraordinaire qualité d'écoute compensait largement.

Le programme s'éloignait de ce que Hamelin proposait il n'y a pas si longtemps encore; il suggérait même, à la veille de ses 50 ans, une nouvelle orientation de sa carrière. Après Alkan, Kapoustine et autres, notre pianiste passe à Haydn, Mozart et Liszt. Le rapprochement avec Brendel est inévitable. Je parle du choix des pièces et non de la façon de les transmettre.

La prestation de Hamelin fut d'abord une magnifique illustration de ce qu'est, tout simplement, l'art de jouer du piano... La miraculeuse fluidité avec laquelle les deux mains se répondent, ces trilles cristallins et parfaitement égaux, ces plans sonores presque visuels, cette main gauche toujours présente, cette puissance quasi orchestrale où la clarté n'est jamais sacrifiée : Hamelin englobe tout cela à un degré qu'on trouve chez peu de pianistes.

Le phénomène ne s'arrête évidemment pas là. Ces vertus purement instrumentales servent une expression réelle sinon toujours convaincante. Ainsi, les Variations de Haydn, qui ouvraient le récital, sont des pages plus troublantes encore que ce qu'en a fait le pianiste. De même, la Sonate K. 310 de Mozart recèle un niveau d'émotion qui lui échappe encore. Et malgré l'éloquence indéniable apportée à la grande Sonate en si mineur de Liszt, il n'en a pas pleinement traduit le déchirant lyrisme.

En fin de compte, c'est dans le triptyque quasi descriptif Venezia e Napoli, de Liszt encore, que Hamelin s'est montré le plus fidèle à l'esprit de l'oeuvre. Or, de toute la musique entendue hier soir, cette Venezia e Napoli est la moins profonde.

Le pianiste a été très applaudi et a semblé très ému, mais n'a pas donné de rappel.

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MARC-ANDRÉ HAMELIN, pianiste. Hier soir, salle Maisonneuve de la Place des Arts. Présentation: Société Pro Musica. (Radiodiffusion: Radio-Canada, 11 octobre, 20 h.)

Programme:

Andante con variazioni, Hob. XVII:6 (1793) - Haydn

Sonate no 8, en la mineur, K. 310 (1778) - Mozart

Venezia e Napoli, S. 162 (1859), ext. de Années de pèlerinage - Liszt

Sonate en si mineur, S. 178 (1852-53) - Liszt