L'année 2010 marque, entre autres anniversaires (Chopin, Schumann), le centenaire de la création du Concerto pour violon de Sir Edward Elgar, le 10 novembre 1910, par son dédicataire Fritz Kreisler et sous la direction du compositeur.

L'oeuvre de quelque 50 minutes de durée est certainement la plus longue et la plus importante du répertoire britannique destiné à cet instrument. Kreisler n'a pas laissé d'enregistrement du Concerto d'Elgar mais la discographie de l'oeuvre n'en reste pas moins fort intéressante.

La partition porte en exergue cette phrase énigmatique (en espagnol) : «Aqui esta encerra el alma de...» («Ici est enchâssée l'âme de...»). Elgar fait référence à une femme qu'il aima secrètement et dont on ignore l'identité.

Mais c'est une femme - Marie Hall, élève d'Elgar au temps où il enseignait le violon - qui signa le premier enregistrement du concerto : une gravure acoustique de 1916 où il est réduit à 16 minutes. Albert Sammons en réalisa le premier enregistrement complet en 1929 - un document historique dont il existe une réédition en compact. L'illustre Yehudi Menuhin l'enregistra deux fois : en 1932 sous la direction d'Elgar (il avait alors 16 ans) et beaucoup plus tard, en 1965. D'autres versions marquantes : Heifetz en 1949, Ida Haendel en 1978.

Une nouvelle version s'y ajoute : Nikolaj Znaider, violoniste danois d'origine israélienne, avec Sir Colin Davis et la Staatskapelle de Dresde, chez RCA. À défaut d'entendre Kreisler, on entend ici le Guarnerius del Gesù de 1741 sur lequel le légendaire violoniste créa le concerto. Un organisme danois a mis le précieux instrument à la disposition de Znaider pour une période de temps indéterminée.

Znaider donne de l'oeuvre une lecture scrupuleusement fidèle à toutes les indications de la partition. Le soliste est sollicité ici presque sans répit, à la fois comme technicien et comme interprète. Aux traits de virtuosité en doubles cordes et staccato qu'il y multiplie, Elgar ajoute d'innombrables changements de caractère : «nobilmente», «grandioso», «appassionato», «sonoramente», «cantabile», «con fuoco», et quoi encore. Znaider reproduit la partition à la lettre : il donne un sens à tout ce qui est virtuosité et son expression toujours éloquente laisse passer ici et là un peu de cette sentimentalité tout à fait dans l'esprit de Elgar.

Davis et l'orchestre allemand épousent pleinement cette conception. Une seule petite réserve, concernant la cadence accompagnée, à la fin du concerto. Bien qu'ils soient indiqués en trois «piano» (ppp), les «pizzicati tremolando» des cordes sont parfaitement audibles dans l'enregistrement Menuhin-Elgar de 1932. Ici, on ne les entend presque pas.

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ELGAR: CONCERTO POUR VIOLON, OP. 61. NIKOLAJ ZNAIDER, VIOLONISTE, STAATSKAPELLE DRESDEN, DIR. SIR COLIN DAVIS RCA, 88697 60588 2.