L'Institut canadien d'Art vocal a eu la bonne idée de remplacer les détestables Mamelles de Tirésias de Poulenc par l'amusante et touchante Fille du régiment de Donizetti comme production illustrant les travaux de son septième stage annuel.

Différentes indispositions affectèrent cependant, quelques jours avant le spectacle, les stagiaires qui devaient tenir les trois premiers rôles : Marie, vivandière et mascotte du régiment, Tonio, jeune paysan qui l'aime et qui s'enrôle dans le régiment pour être près d'elle, et le sergent Sulpice, qui est un peu le père adoptif de Marie. Or, comme aucun des quelque 30 stagiaires de cette année n'avait préparé ces rôles et qu'il était trop tard pour choisir un troisième ouvrage, il fallut faire appel à des chanteurs de l'extérieur.

C'est ainsi que Kimberley Dolanski, soprano coloratura de 33 ans, du Michigan, Jonathan Blalock, ténor léger, importé des États-Unis lui aussi, et Manuel Blais, baryton québécois surtout actif à Rimouski, devinrent les protagonistes de l'exercice public auquel ils n'étaient aucunement associés, au départ.

L'ouvrage de Donizetti était présenté dans une mise en scène pleine de vie et avec des costumes sommaires et des éléments de décors qui formaient un spectacle vraisemblable, compte tenu des moyens limités dont disposait l'équipe de production. Quelques coupures furent effectuées dans la partition, comme c'est souvent le cas, de façon à constituer une substantielle soirée de deux heures; on avait aussi retenu une bonne partie du dialogue parlé.

Kimberley Dolanski a incarné la petite vivandière avec le naturel d'une vraie professionnelle et projeté une voix très virtuose, un peu pointue, à l'aigu parfois incertain. Son français chanté et parlé était remarquable.

Jonathan Blalock a poussé une jolie voix de ténor léger - il a donné ses neuf contre-do sans transposer, assure-t-on -, mais son jeu était un peu mou et son français, davantage.

Inconnu ici, Manuel Blais fut la révélation du spectacle : cette aisance scénique et cette chaleur vocale devraient lui assurer une place dans une future production de l'Opéra de Montréal.

Les stagiaires participant au spectacle - solistes et choristes - furent tous à leur affaire, et tout particulièrement la mezzo Aidan Ferguson, une belle grande fille avec de la voix et l'exacte allure de la marquise, mère véritable de Marie. À signaler également, l'entrée, à la toute fin, de Mignon Dunn en duchesse de Crackentorp. La pittoresque mezzo américaine, professeur invité au stage cette année encore, a amusé toute la salle en chantant la Habanera de Carmen... à 82 ans!

Travail soigné de Joshua Major à la mise en scène et de Paul Nadler à la direction musicale, mention toute spéciale au pianiste Jérémie Pelletier pour l'extrême souplesse avec laquelle il suivait les chanteurs.

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LA FILLE DU RÉGIMENT, opéra-comique en deux actes, livret de Jules-Henri Vernoy de Saint-Georges et Jean-François-Alfred Bayard, musique de Gaetano Donizetti (1840). Mise en scène: Joshua Major. Au piano : Jérémie Pelletier. Direction musicale: Paul Nadler. Présentation: Institut canadien d'Art vocal. Hier soir, salle Claude-Champagne de l'Université de Montréal.