Le Festival de Salzbourg a choisi de fêter ses 90 ans en mettant à l'honneur une nouvelle production d'un opéra écrit par deux de ses fondateurs, Richard Strauss et Hugo von Hofmannsthal, Elektra.

Cet opéra en un acte a été le premier d'une collaboration qui a duré 23 ans et a produit six opéras, dont Ariane à Naxos et Le Chevalier à la rose.

L'Allemand Nikolaus Lehnhoff a dévoilé dimanche sa nouvelle mise en scène, puissante et percutante, de la pièce de 1906 - présentée pour la sixième fois au Festival -, en présence notamment de la chancelière allemande Angela Merkel.

Mais l'impact de la lecture de Lehnhoff a pu être gâché par l'assourdissant vacarme qui venait de la fosse où le Philharmonique de Vienne évoluait sous la baguette de l'Italien Daniele Gatti.

Elektra est la quatrième et dernière première présentée cette année à Salzbourg, le plus onéreux et le plus élitiste des festivals d'été, après une Lulu (Alban Berg) terne, un Orfeo ed Euridice (Gluck) ennuyeux et creux et l'impénétrable nouvelle création de Wolfgang Rihm intitulée Dionysos.

Après les deux heures de représentation, l'opéra a reçu un accueil frénétique, presque euphorique de la part du public.

Elektra est le plus sanglant des opéras de Strauss: l'héroïne du titre veut tuer sa mère Clytemnestre, pour venger la mort de son père Agamemnon, tué à la hache dans son bain. Le frère d'Electre, Oreste, qui était banni, revient pour abattre Clytemnestre et son amant Egisthe. Une fois sa vengeance accomplie, Electre meurt à son tour.

Comme dans les meilleurs films d'horreur, Elektra est une oeuvre d'autant plus angoissante que le plus terrifiant n'est pas visible sur scène.

Lehnhoff, qui ne donne jamais dans le sanglant, se retient jusqu'à la dernière scène, épouvantable, où Clytemnestre apparaît pendue la tête en bas à un croc de boucher, dans un abattoir maculé de sang.

Cette scène mise à part, l'irrésistible sensation d'angoisse et de malaise est avant tout créée par les imposants décors de Raimund Bauer: un bunker de béton aux angles étranges et de simples fentes noires en guise de fenêtres.

Avec Elektra, les metteurs en scène n'ont pas à se demander comment dépeindre la terreur, puisqu'elle est déjà présente dans la musique. L'opéra est probablement celui de Strauss dont le volume est le plus élevé - il a été écrit pour un orchestre de 111 instruments et le motif de quatre notes de l'ouverture est fracassant.

Pour leur nouvelle lecture, Lehnhoff et Gatti ont rassemblé une distribution impressionnante de chanteurs de renommée mondiale, notamment la mezzo-soprano allemande Waltraud Meier, qui interprétait pour la première fois Clytemnestre, et le baryton allemand Rene Pape dans le rôle d'Oreste.

Mais même des vedettes d'un tel calibre ont dû lutter pour se faire entendre au milieu du tintamarre venant de la fosse.

La force de la soprano suédoise Irene Theorin, qui incarnait aussi Electre pour la première fois, réside dans la dramaturgie plutôt que dans le texte. Mais elle était aussi parfois inaudible à cause du grondement du Philharmonique de Vienne.

Et les cris d'agonie d'Egisthe - le ténor américain Robert Gambill - étaient tellement noyés que seuls les surtitres allemands et anglais au-dessus de la scène indiquaient sa mort hors-scène.

Des surtitres bien nécessaires à cause de la diction, médiocre de manière générale, à l'exception de Rene Pape et Waltraud Meier, qui avaient l'avantage de s'exprimer dans leur langue maternelle.

Cinq représentations sont prévues d'ici la fin du festival, on peut espérer que Daniele Gatti arrivera à résoudre les problèmes de volume.

La mise en scène de Lehnhoff restera toutefois dans les mémoires pour ses images percutantes, surtout la scène finale où les terrifiantes Erinyes aux ailes noires émergent du sol pour encercler l'assassin ensanglanté, Oreste.