Il faudrait préciser une fois pour toutes s'il faut dire «Orchestre de la Francophonie» ou «Orchestre de la Francophonie canadienne».

Le chef et fondateur lui-même, Jean-Philippe Tremblay, et quelques-uns de ses collaborateurs ont bel et bien confirmé que l'orchestre avait rayé le «canadienne» de son nom car il souhaite voir des francophones non-canadiens joindre ses rangs.

Or, voici que le mot réapparaissait sur le programme imprimé de l'intégrale Schumann que l'orchestre complétait hier soir. Que ces gens fassent donc enfin connaître leur vrai nom car, pour le moment, tout cela ne fait pas sérieux!

Un concert à Orford m'avait fait manquer la première soirée Schumann, qui comprenait les Symphonies nos 1 et 2. Hier soir, j'ai pu entendre les Symphonies nos 3 et 4.

Une surprise attendait les quelque 300 personnes que le concert gratuit avait attirées à Pollack Hall: M. Tremblay ajoutait au programme l'ouverture de Don Giovanni, de Mozart, qu'il confiait à son assistant, Jean-Loup Gagnon, 20 ans. La baguette impérieuse tenue de la main gauche et l'accord initial où explose tout l'orchestre: ces saisissantes premières secondes et les minutes qui vont suivre ne laissent aucun doute sur le talent que nous avons devant nous. Un nouveau Nézet-Séguin est peut-être né hier soir.

Concernant la rarissime tenue de la baguette à la main gauche, le jeune Gagnon explique: il est gaucher et il sent mieux le rythme à la main gauche.

Jean-Philippe Tremblay passe ensuite à ses Schumann. L'orchestre est d'environ 55 musiciens (dont une quinzaine retenus de l'an dernier), mais Tremblay le chauffe à un point tel qu'on dirait deux fois ce nombre. Je fuis la surcharge du centre de la salle et monte vers la dernière rangée, où le son est plus lointain et plus aéré.

Pour l'ensemble, l'orchestre est du niveau qu'on retrouve annuellement depuis 10 ans : cordes justes, bois soignés, cuivres de même (si l'on excepte les inévitables petits accidents des capricieux cors) et, cette fois, timbales exceptionnellement agissantes.

Tremblay déploie devant son orchestre une gestuelle absolument débridée. On n'en voit pas la nécessité car il obtient habituellement les mêmes résultats sans s'agiter autant. Au surplus, le finale de la Rhénane est pris à une telle vitesse que les sections ne parviennent pas toujours à jouer ensemble.

Ces Schumann restent néanmoins fort beaux, avec une belle sonorité collective, sombre et très allemande, et un discours où le lyrisme a toujours une grande part. Tremblay fait toutes les reprises et enchaîne les mouvements de la quatrième Symphonie comme le demande la partition.

Entre les deux symphonies était glissée une oeuvre nouvelle du Canadien Andrew Staniland, présent au concert. Comme c'est le «bon usage» en musique actuelle, il y a là un texte dont on ne comprend pas un mot. La pièce se ramène à une grande scène dramatique de neuf minutes où l'impressionnante mezzo Geneviève Couillard-Després multiplie cris et glissandos sur fond d'orchestre bruyamment coloré.

Chose certaine, la pièce de M. Staniland a le mérite d'avoir chassé de la salle la petite fille qui, depuis le début du concert, jacassait sans la moindre intervention de l'homme (le père, sans doute) qui l'accompagnait.

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ORCHESTRE DE LA FRANCOPHONIE. Chef d'orchestre: Jean-Philippe Tremblay. Soliste: Geneviève Couillard-Després, mezzo-soprano. Hier soir, Pollack Hall de l'Université McGill.

Programme:

Symphonie no 3, en mi bémol majeur, op. 97 (Rhénane) (1850) - Schumann

Only Darkness, pour voix et orchestre (2009) - Staniland

Symphonie no 4, en ré mineur, op. 120 (1841, rév. 1851) - Schumann