Salzbourg, New York, Milan, Londres... À 35 ans, le chef d'orchestre québécois Yannick Nézet-Séguin pourrait ne plus savoir où donner de la tête mais il la garde sur les épaules, en perfectionniste soucieux de créer «des liens dans la façon de faire de la musique».

Il suffit de consulter la liste de ses engagements récents ou prochains avec les plus grandes formations symphoniques et maisons d'opéra de la planète pour prendre la mesure du phénomène Nézet-Séguin. Rien de vraiment comparable ailleurs, si ce n'est dans les itinéraires fulgurants de deux autres chefs trentenaires, le Vénézuélien Gustavo Dudamel et le Letton Andris Nelsons.

Salzbourg a découvert ce tempérament chaleureux en 2008, dans Roméo et Juliette de Gounod. Après ce triomphe obtenu d'un geste à la fois large et plein d'énergie, le festival l'a convié cet été à reprendre cette production (10-30 août), mais aussi Don Giovanni de Mozart (9-29), pour un total rondelet de 16 représentations.

Le Québécois conquiert toutes les places fortes une à une: le Metropolitan Opera de New York récemment, la Scala de Milan et le Covent Garden de Londres prochainement, sans parler de ses débuts passés ou futurs avec les Philharmoniques de Vienne et Berlin, la Radio bavaroise, Chicago...

L'Orchestre de Philadelphie, l'un des «big five» aux États-Unis, vient d'en faire son prochain directeur musical, avec effet en 2012. Quant au Philharmonique de Londres, il s'est assuré de sa fidélité jusqu'en 2014 au poste de premier chef invité.

Celui de Rotterdam (Pays-Bas) a lui aussi prudemment prorogé jusqu'en 2015 le contrat de directeur musical de cette baguette convoitée. Yannick Nézet-Séguin y a succédé en 2008 au Russe Valery Gergiev. Et d'un chef à l'autre, les méthodes de travail ont changé.

«Gergiev dit toujours: «Pour moi, il est beaucoup plus dangereux de sur-répéter que de sous-répéter». Alors à mon arrivée, les musiciens disaient: «Pourquoi on répète autant ?» Mais quand on voit les fruits que ça produit...», soulignait le Québécois devant quelques journalistes parisiens en mai dernier.

«Ce qui m'intéresse maintenant, c'est de chercher à retenir ce son qui est un peu plus direct à Rotterdam qu'au Concertgebouw d'Amsterdam, de le raffiner», expliquait le jeune chef. «En même temps, les musiciens de Rotterdam sont de vrais performers, et ça c'est dû à Gergiev».

Yannick Nézet-Séguin estime avoir trouvé à Rotterdam, une «ville dynamique, en croissance», son «port d'attache européen, ce qui est très important». De là, il peut rayonner en Europe, notamment au Théâtre des Champs-Élysées à Paris, qui offrira à l'orchestre en 2010-2011 une résidence de trois concerts. Le chef s'en réjouit d'avance, convaincu qu'«une résidence permet de développer un vrai rapport avec le public».

«Dans ma façon de faire de la musique, je crée des liens», assure le chef qui veille, malgré les sollicitations, à ne pas trop se disperser, et reste fidèle à son premier amour, l'Orchestre métropolitain de Montréal, dont il est le chef attitré depuis 2000. «Je le dirige aussi à l'opéra, entre nous il y a plus qu'un lien familial», dit-il.

Sous ses airs de jeune homme pressé, Yannick Nézet-Séguin cache une certaine prudence. Il le montre en usant d'une expression typiquement québécoise: «J'ai encore des croûtes à manger!» Autrement dit: travailler pour acquérir l'expérience. Sans oublier de lever le pied. «En 2013, je me suis prévu quelques mois sabbatiques», assure-t-il. «Ce sera plutôt pour aller faire un safari!»