Otto Joachim, le doyen des compositeurs canadiens, est mort d'un arrêt cardiaque dans la nuit de vendredi à samedi. Né le 13 octobre 1910, il allait avoir 100 ans dans un peu plus de deux mois.

De son nom véritable Otto Joachimsthal, le musicien d'origine juive naquit à Düsseldorf, en Allemagne, mais quitta le pays, avec son frère Walter, devant la montée du nazisme. Après avoir vécu en Orient, les frères Joachim -Otto altiste et Walter violoncelliste- se fixèrent à Montréal dans les années 50, entrèrent à l'OSM et se firent bientôt un nom comme professeurs. Ils fondèrent aussi, avec les violonistes Hyman Bress et Mildred Goodman, le Quatuor de Montréal, qui joua et enregistra avec Glenn Gould. (Walter, né en 1912, est décédé en 2001. Bress est décédé lui aussi. Mme Goodman, veuve du compositeur Clermont Pépin, est toujours vivante.)

Le compositeur utilisait la technique sérielle, mais d'une façon personnelle et originale, et sans renier le classicisme. L'OSM ne lui a jamais commandé d'oeuvre, mais ses Contrastes furent dirigés par Seiji Ozawa à Boston, New York et Chicago. Ses goûts englobaient la musique électroacoustique, la musique très ancienne, le grégorien et le jazz. Le romantisme l'attirait peu et il voyait en Bruckner le compositeur le plus surestimé de l'histoire. Père du guitariste et administrateur Davis Joachim, le disparu était également peintre et tint quelques expositions.

Il avait reçu le Prix Opus-Hommage en 2008. À sa demande expresse, j'avais fait la présentation, salle Claude-Champagne.

Depuis quelques années, je lui téléphonais à chacun de ses anniversaires. Même rituel chaque fois. À mon «Guten Geburtstag!» anonyme, il répondait instantanément, dans son fort accent allemand, «Lâh Présse!». Sa mémoire et sa lucidité étaient restées prodigieuses.    

Otto, comme nous l'appelions tous, s'amusait parfois à parler québécois. Je lui demandai un jour quels furent les premiers mots de notre langue qu'il apprit en arrivant ici. Sa réponse : «Le genre de choses qu'on lance à un automobiliste qui vient de vous couper!»