D'abord annoncée comme ne dépassant pas deux heures, entracte compris, c'est finalement à trois pleines heures, y compris 30 minutes de pause, qu'a été allongée la version concert de Don Giovanni qui ouvrait hier soir la 46e saison des «Concerts populaires de Montréal» de l'ex-maire Drapeau maintenant pris en mains par l'organisme Orgue et Couleurs.

C'est-à-dire que les organisateurs annonçaient en début de semaine une version abrégée de l'opéra de Mozart et qu'on se retrouvait deux jours plus tard devant la partition absolument complète, ou à peu près.

Autre aberration: le feuillet remis à la porte donnait bien les noms des chanteurs mais n'indiquait pas quel rôle chacun interprétait. Il fallait deviner! Yannick Nézet-Séguin, qui dirigeait l'exécution, dut venir lui-même donner ces précisions au micro, après l'entracte.

Des surtitres eurent aussi été souhaitables, mais c'était sans doute trop demander.

Trois heures, donc. C'est très long, même pour Mozart et même pour Don Giovanni, surtout dans cette adaptation sans décors et sans costumes qui, bien que réussie dramatiquement et assortie de quelques accessoires vraisemblables et déplacements logiques, requérait parfois une bonne dose d'imagination de la part des quelque 2 000 spectateurs assis aux petites tables ou dans les inconfortables gradins.

Dans l'ensemble, la soirée fut plutôt bonne. Tout d'abord, la distribution était remarquable, à une exception près: Kyra Folk-Farber, qui en remplaçait une autre en Donna Anna. Le désarroi du personnage se lit sur le visage mais s'étend hélas! à la voix, qui est métallique et fort désagréable. Et l'amplification n'était nullement en cause puisque tous les autres chanteurs portaient eux aussi un petit microphone facial et que la voix, chez chacun, nous parvenait avec le plus parfait naturel.

Alexander Dobson est un Don Juan très vif et plein de séduction, avec une voix superbement timbrée. Une vraie carrière s'annonce là. La même très haute note va à Taras Kulish. Habituellement relégué à des emplois mineurs, ce chanteur a révélé en Leporello, l'omniprésent valet de Don Juan, des dons de comédien qu'on ne lui connaissait pas.

Solide  vocalement, Marianne Fiset a campé une Donna Elvira parfaitement crédible, toujours amoureuse de ce Don Juan qui pourtant se moque d'elle. Même excellente composition chez Kimy McLaren, en paysanne Zerlina qui, dans les bras de Don Juan, oublie bien vite son fiancé Masetto!

Masetto et Don Ottavio sont des personnages plutôt insignifiants. Ils sont joués comme tels par des chanteurs qui ont cependant de bonnes voix : le baryton Steven Hegedus et le ténor léger Colin Ainsworth. Le Commandeur, qui apparaît au tout début et à la toute fin, bénéficie de la présence et de la grande voix de basse d'Alain Coulombe.

Nézet-Séguin, déjà nommé, animait avec intensité et subtilité l'excellent orchestre (aux violons de part et d'autre du podium) et dirigeait, dans le même geste, les chanteurs circulant tout autour de lui.

 

«DON GIOVANNI», opéra en deux actes, livret de Lorenzo da Ponte, musique de Wolfgang Amadeus Mozart, K.527 (1787). Version concert. Orchestre Métropolitain et Choeur. Chef d'orchestre : Yannick Nézet-Séguin. Mise en mouvement : Alain Gauthier. Hier soir, Centre Pierre-Charbonneau. Concerts populaires de Montréal/Orgue et Couleurs. Reprise dimanche, 19 h 30, au Théâtre de verdure du Parc LaFontaine.