Peu importe que l'intégrale Beethoven de Kent Nagano soit ou non une réussite au plan musical. Une chose est certaine : il s'agit là d'un succès populaire absolu.

Hier après-midi encore, au troisième concert de la série, la salle Wilfrid-Pelletier était comble. Qui attire ces foules? Peut-être Beethoven, peut-être Nagano, peut-être l'un et l'autre. Ce qui compte, c'est que l'on vienne en si grand nombre à la grande musique et, surtout, que l'on s'y sente parfaitement à l'aise, comme auprès d'un être aimé.

Ce qui veut dire - comme c'était encore le cas hier - qu'on écoute avec une pleine attention et qu'on retient sa toux et ses applaudissements jusqu'à la fin de l'oeuvre, non pas pour suivre d'insignifiantes règles d'«étiquette», mais par respect pour ceux qui veulent écouter, par respect pour la musique, tout simplement...

Nagano avait jumelé hier deux des symphonies majeures du corpus : la sixième, dite Pastorale, partition descriptive plus proche du poème symphonique, et la septième, peut-être la plus abstraite et la plus moderne des neuf.

Au plan factuel, rien de très nouveau : Nagano a le texte sous les yeux, place ses violons de chaque côté du podium et fait toutes les reprises (dans les deux oeuvres), et la réponse de l'orchestre est sans reproche. Des considérations d'un autre ordre s'ajoutent à ce constat. Dans la Pastorale, Nagano établit un agréable climat de paix et de sérénité jusqu'à l'explosion de l'orage, vers la fin. La masse orchestrale conserve toujours une grande clarté, une transparence même, et les bois, fort sollicités ici, sont exquis. Mention spéciale au frais hautbois du vétéran Theodore Baskin. Par ailleurs, le tempo de la Scène au bord du ruisseau est très juste. Nagano la fait comme Beethoven la demande : molto mosso, c'est-à-dire plutôt vite.

La Septième impressionne moins et montre les limites de Nagano comme interprète. Que sa Pastorale soit réussie, rien de plus normal : l'oeuvre est facile en comparaison de la quasi révolutionnaire Septième. Ici, Nagano s'arrête presque au premier degré et évite l'aspect dramatique, tumultueux, voire délirant de l'oeuvre. L'Allegretto, qui tient lieu de mouvement lent, est joué carré, sans le moindre rubato et presque sans vibrato, et l'ensemble souffre d'un certain déséquilibre : du fond de la scène nous arrive le son strident des deux trompettes isolées de la masse orchestrale comme deux enfants en pénitence.

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef d'orchestre : Kent Nagano. Hier après-midi, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Série Dimanches en musique. Programme consacré à Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Symphonie no 6, en fa majeur, op. 68 (Pastorale) (1807-08) Symphonie no 7, en la majeur, op. 92 (1812-13)