Les animaux. C'était le thème au Festival de musique de chambre hier soir. Le Carnaval des animaux, l'amusante «fantaisie zoologique» de Saint-Saëns, était la pièce de résistance du concert. Avant l'entracte, on entendit le célèbre Quintette La Truite de Schubert, précédé de la suite Critic's Corner d'Alexander Brott.

N'ayant pas encore perdu le sens de l'humour, je ne me suis pas formalisé le moins du monde de voir les critiques placés parmi... les animaux. Saint-Saëns n'a-t-il pas traité les pianistes de la même façon dans son Carnaval?...

Alexander Brott, décédé en 2005 à l'âge vénérable de 90 ans, était le père de Boris Brott, le chef d'orchestre, et de Denis Brott, le fondateur et directeur du Festival de musique de chambre. En 1950, il dépeignit dans une suite de cinq «portraits» les critiques musicaux locaux de l'époque. «Êtes-vous là-dedans?» me demandait une auditrice à l'entracte. «Non, madame. En 1950, j'étais encore aux études.»

J'ai connu les critiques caricaturés par M. Brott, mais je serais incapable d'«identifier» chacune des pièces. Peu importe, en vérité. Comme telle, la suite d'Alexander Brott se déroule sur un ton très sarcastique, tantôt à la manière de Chostakovitch, tantôt avec citations directes de Rossini, et elle reçut une exécution très virtuose et très colorée du Quatuor à cordes Claudel-Canimex et du percussionniste Serge Desgagnés, de l'OSM.

Le Quintette de Schubert, dont le quatrième des cinq mouvements est constitué de cinq variations sur le lied bien connu Die Forelle («La Truite»), réunissait des habitués du Festival comme le pianiste torontois Anton Kuerti et le contrebassiste américain James VanDemark. À 71 ans et toujours en forme, M. Kuerti fut le meneur de jeu de cette exécution pleine de fraîcheur.

Joué dans sa version originale pour une douzaine d'instrumentistes, Le Carnaval des animaux fut assorti de lectures bilingues et humoristiques, par Jean Marchand, de textes puisés chez Francis Blanche et Ogden Nash. Chacune des 14 pièces reçut une exécution soignée. Rugissements du lion aux pianos de David Jalbert et Kevin Loucks, hi-han des ânes dans les tirés et poussés des violonistes Élaine Marcil et Ariane Lajoie, lourde démarche de l'éléphant sous l'archet du contrebassiste VanDemark: tout y était, sans oublier le coucou du clarinettiste Simon Aldrich venu de l'arrière de la salle et le beau violoncelle de Jeanne de Chantal Marcil dans Le Cygne, la pièce la plus connue de la suite.

Les exécutions étaient accompagnées de projections des deux côtés de la scène. L'auditoire n'était pas aussi nombreux que prévu. La pluie serait en cause. Le hockey aussi.

FESTIVAL DE MUSIQUE DE CHAMBRE DE MONTRÉAL. Hier soir, St. James United Church.