Ludovic Morlot a fait grande impression lors de ses débuts à l'Orchestre Symphonique de Montréal hier soir. En simple complet de ville (alors que les musiciens sont en queue de pie), le nouveau venu de 36 ans, de petite taille, sautillant même à l'occasion, dirige d'une façon à la fois très dynamique et très contrôlée.

Ouvrant le programme, Nuages et Fêtes - les deux premiers des trois Nocturnes de Debussy - découvrent une mise en place orchestrale inhabituellement ordonnée. Les groupes de cordes, de bois et de cuivres, aux dessins mélodiques souvent identiques, se répondent comme sur trois paliers distincts, au lieu de se confondre selon la «bonne» tradition debussyste.

Si le premier tableau perd ainsi son halo vaporeux et le second, son rythme étourdissant, le résultat n'en reste pas moins très beau au plan sonore et musical, avec une clarté où la riche et complexe harmonie brille d'un éclat nouveau.

Dans le Concerto en sol de Ravel, qui suivait, le jeune pianiste torontois Stewart Goodyear fit complètement oublier celle qu'il remplaçait. Il traversa les deux mouvements extrêmes avec tout ce que ceux-ci exigent d'éblouissante virtuosité et de folle fantaisie, suivi à la fraction de seconde par le chef et l'orchestre aux timbres criards.

Halte miraculeuse au milieu du tintamarre : le mouvement lent, qui s'ouvre sur une page complète de piano seul. Le soliste peut y rêver à sa guise et c'est ce que fit M. Goodyear. La flûte qui se joint ensuite à lui était tenue par Danièle Bourget, venue de l'ensemble Pentaèdre comme surnuméraire.

L'après-entracte fut un peu moins remarquable. Le chef Morlot dirige les Danses symphoniques de Rachmaninov avec un bonheur évident et il en souligne bien les couleurs souvent étranges et les rappels du Dies irae. Mais ces 35 minutes comportent redites et longueurs. Les trois mouvements gagneraient à être joués un à la fois.

L'OSM avait programmé La Valse de Ravel deux semaines de suite, dans deux séries différentes. Yoav Talmi y avait apporté un doigté digne de Dutoit. Morlot s'est retrouvé devant un orchestre un peu fatigué par le lourd programme qu'il venait de traverser.

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef invité: Ludovic Morlot. Soliste: Stewart Goodyear, pianiste. Hier soir, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Série «Air Canada».

Programme:

Nuages et Fêtes, ext. de Nocturnes (1897-99) - Debussy

Concerto pour piano et orchestre en sol majeur (1930-31) - Ravel

Danses symphoniques, op. 45 (1940-41) - Rachmaninov

La Valse (1920) - Ravel