Que retenir, finalement, de ce que l'OSM appelle ici: «Étrange voisinage»? Je dirais: les deux concertos.

Avant l'entracte, on retrouve la «douairière» du piano russe, Bella Davidovitch, à l'élégant sourire et, à 82 ans, encore vive musicalement et solide techniquement, dans le Concerto pour deux pianos de Mozart face à son élève Alexander Paley, 54 ans.

Le programme donne l'aînée comme tenant le premier piano, mais elle est effectivement au second, à droite. Peu importe: les deux parties sont égales à tous égards. On note une seconde d'hésitation chez elle, une pirouette de plus chez lui: des riens, en somme. Le dialogue passe d'un clavier à l'autre avec un tel naturel qu'en fermant les yeux, on dirait un seul instrument. Il est vrai que les deux pianos ont été accordés avec grand soin.

La longue soirée se terminera vers 22 h 30 avec le Premier de Tchaïkovsky, sûrement le concerto pour piano le plus connu du répertoire tout entier. Paley y déploie une énergie et une puissance de son terrifiantes, comme si sa vie en dépendait. On le sent nerveux, on le voit se frotter les mains avant les grandes cadences où il est seul à occuper l'espace. Le résultat est à la fois maniéré, un peu vulgaire et très excitant; comique aussi car le chef n'arrive pas toujours à suivre le soliste et fait tomber l'orchestre un temps en retard.

Ce chef, c'est l'Allemand Peter Ruzicka, 62 ans, invité aussi à titre de compositeur. On peut oublier la pièce de 25 minutes, de sa main, qui ouvre le concert: une autre inutile recherche d'originalité faisant alterner tapage infernal et silence total, comme il y en a à longueur de saison.

On annonce ensuite la Fantaisie symphonique que Richard Strauss tira de son opéra Die Frau ohne Schatten. Ce qu'on entend ressemble étrangement à ce qui existe au disque, sous les signatures de Dorati, Leinsdorf, Mitropoulos et Mehta, entre autres. Le programme indique pourtant «orchestration de Peter Ruzicka». Comme si ce qui est signé Strauss n'était pas déjà une orchestration.

Il est vrai que madame l'auteure des notes nous informe que l'oeuvre date de la «dernière année» de la vie de Strauss, soit 1949, et qu'elle fut créée en 1947.

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef invité: Peter Ruzicka. Solistes: Alexander Paley et Bella Davidovitch, pianistes. Mardi soir, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Série Grands Concerts. Reprise ce soir.



Programme:

Vorecho (2006) - Ruzicka

Concerto en mi bémol majeur pour deux pianos et orchestre, K. 365 (1779) - Mozart

Fantaisie symphonique d'après Die Frau ohne Schatten (1946) - Strauss

Concerto pour piano et orchestre no 1, en si bémol mineur, op. 23 (1874-75) - Tchaïkovsky