L'intégrale des Quatuors à cordes d'Alfred Schnittke présentée samedi soir au Conservatoire par le Quatuor Molinari est un tour de force et, déjà, un candidat très sérieux au Prix Opus de «concert de l'année», voire d'«événement musical de l'année».

Quelque 200 personnes y sont venues, ce qui est beaucoup pour une musique aussi peu connue et aussi difficile, d'écoute autant que d'exécution.

La très longue soirée - trois heures et demie, y compris deux entractes - englobait une autre oeuvre du compositeur germano-soviétique mort en 1998: le Quintette avec piano, où Louise Bessette se joignait au Molinari.

Une sixième pièce, de cinq minutes, complétait le programme: le Canon in Memoriam Igor Stravinsky, au titre explicite, daté de 1971, l'année de la mort du célèbre compositeur russe. Dans l'histoire musicale de cette ville, ce choix illustrait le long parcours qui a conduit à l'événement de quatre jours que le Molinari couronnait samedi soir. En effet, le petit canon de 1971 fut très certainement la toute première musique de Schnittke que Montréal entendit. C'était en 1973, le 5 avril. Invité au LMMC, le Quatuor Borodine l'avait ajouté à son programme à la dernière minute.

Le Molinari était représenté samedi soir dans sa formation actuelle (et relativement nouvelle) dans moins de la moitié du programme: les Quatuors nos 2 et 3 et le Canon, soit 47 minutes. Pour le reste, Frédéric Lambert, présentement en convalescence, était de nouveau remplacé à l'alto par Marcin Swoboda. Le Molinari devra donc attendre que son altiste soit pleinement rétabli, soit l'été prochain, pour enregistrer les Quatuors ainsi que le Quintette, pour ATMA.

La musique entendue samedi soir totalisait 134 minutes, soit deux heures et quart. Elle se distingue par une recherche constante d'effets, principalement de sonorités inhabituelles : «non vibrato», «sul ponticello», glissandos, clusters, harmoniques, trémolos, profusion de trilles et d'arpèges répétés sans fin aux quatre instruments réunis. On note la même obsession du «son pour le son» dans la partie de piano du Quintette. Ainsi, à différents endroits, la même note répétée ad infinitum.

On n'est jamais vraiment ému par Schnittke, comme on l'est par Chostakovitch, par exemple. Mais on reste ébahi devant ce kaléidoscope sonore à côté duquel les musiques qui pourtant nous comblent paraissent tout à coup tellement ordinaires... Ébahi aussi par le travail en détail et en profondeur du Molinari, qui se révèle toujours très fidèle à tout ce que Schnittke demande dans ses partitions. Et il en demande énormément!

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QUATUOR À CORDES MOLINARI - Olga Ranzenhofer et Frédéric Bednarz (violons), Frédéric Lambert ou Marcin Swoboda (alto) et Pierre-Alain Bouvrette (violoncelle). Avec Louise Bessette, pianiste. Samedi soir, Conservatoire de musique. Programme consacré à Alfred Schnittke (1934-1998): Quatuor no 1 (1966), Canon In Memoriam Igor Stravinsky (1971), Quintette pour piano et cordes (1972-76), Quatuor no 2 (1980), Quatuor no 3 (1983), Quatuor no 4 (1989)