Venue ici une première fois en 2008, à Lanaudière, Ingrid Fliter faisait ses débuts à Montréal hier au LMMC.

La blonde pianiste argentine de 36 ans, que j'ai d'abord prise pour une Allemande, ouvrait son récital avec le même Beethoven (Sonate op. 31 no 3) que chez le regretté père Lindsay. Pourtant d'un Beethoven ayant dépassé la trentaine, l'oeuvre est légère, moqueuse même (Scherzo et Menuet remplacent le mouvement lent), et c'est ainsi que la pianiste l'aborde. Bonne idée de glisser le Trio du Menuet dans un tel phrasé capricieux. Mais il n'est pas nécessaire de frapper avec une telle raideur les accords fortissimo que Beethoven sème au milieu du Scherzo. D'ailleurs, la pianiste a tendance à mettre deux «f» partout où Beethoven s'est contenté d'un seul.

Pour le bicentenaire Chopin, elle programme ensuite six Valses du célèbre Polonais. Ici, une seule qualité : la main gauche, qui donne un nouveau relief aux pièces familières d'ailleurs jouées dans un ordre différent de celui du feuillet. Pour le reste : jeu encore trop martelé, vulgarité aussi dans le discours. Les paillettes aidant, on pense même à Liberace. Pauvre Chopin! Pauvre piano! murmure-t-on en voyant madame sortir de scène.

Pour un autre bicentenaire, le Schumann cette fois, l'après-entracte est consacré aux Études symphoniques. Comme on sait, le cahier a pris sous la plume du compositeur plusieurs formes et plusieurs titres. Au surplus, le programme du LMMC promet aussi les variations posthumes, c'est-à-dire les cinq études (ou variations) que Schumann rejeta et que Clara et Brahms récupérèrent. Pour sa part, la pianiste, dans sa notice biographique, dit qu'elle va en jouer deux, et ce, après l'oeuvre proprement dite.

Que de confusion pour pas grand-chose, en fin de compte. La pianiste joue finalement toutes les «posthumes»: trois au milieu de l'oeuvre elle-même et, tel quel promis, deux après l'ultime et spectaculaire Étude no XII.

Ingrid Fliter traverse son Schumann avec une grande puissance pianistique, certes, mais cette qualité ne suffit pas. Le lyrisme, le caractère, le souffle, l'éloquence, la grandeur : tout cela est à venir... peut-être. En attendant, et en rappel, nous avons eu un Impromptu de Schubert d'un seul trait, et bien tourné.

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INGRID FLITER, pianiste. Hier après-midi, Pollack Hall de l'Université McGill. Présentation : Ladies' Morning Musical Club. Programme : Sonate no 18, en mi bémol majeur, op. 31 no 3 (1802) - Beethoven Six Valses - Chopin Études symphoniques (1834-1852) - Schumann