On peut, sans l'ombre d'un doute, parler de triomphe à propos du concert que l'Orchestre Philharmonique de Rotterdam donnait ici dimanche soir, dans le cadre de sa brève tournée de l'Est de l'Amérique.

Cet orchestre est inconnu ici. Mais ce n'est pas du tout le cas de celui qui le dirige depuis deux ans. Le nom de Yannick Nézet-Séguin est certainement à l'origine de l'auditoire de plus de 2300 personnes massées à Wilfrid-Pelletier, qui se sont levées pour ovationner le jeune chef dès son entrée, renchérissant à la fin du concert pour lui faire, ainsi qu'à son orchestre, une ovation encore plus considérable.Le Concerto pour orchestre de Bartok valait à lui seul toute la soirée. On annonçait 36 minutes. Nézet-Séguin en a pris 41. Comme le titre l'indique, la partition met en lumière les composantes d'un grand orchestre et leur virtuosité individuelle et collective. Tous les instruments ont ici leur mot à dire, souvent deux à deux; tous, jusqu'à la caisse claire, et l'exécution doit être parfaite, sinon le titre n'a plus de signification. Et parfaite elle fut, à un iota près, peut-être deux: telle périlleuse attaque des cordes en huit divisi, tel son de cor à découvert... en somme, des riens.

L'oeuvre ne s'arrête pas au numéro de virtuosité: elle mêle une espèce d'humour noir à des épisodes calmes et nostalgiques. Autant d'éléments qui rappellent les conditions pénibles dans lesquelles Bartok composa cette oeuvre, parmi ses dernières, et que Nézet-Séguin souligna avec une rare vérité.

Le programme comportait, comme il se doit, une pièce «nationale» qui, contrairement aux habitudes, fut reportée à l'après-entracte. La chose est signée Theo Verbey, ne requiert qu'une quinzaine des 108 musiciens du Philharmonique (pourquoi cette peine?) et se ramène à 10 minutes de papotage néoclassique vite oublié.

Oublié aussi, le Concerto pour violon de Brahms qui ouvrait la soirée. Très grande, très droite et toujours aussi impassible, Viktoria Mullova possède encore une technique fort respectable, sinon parfaite, mais elle offre à 50 ans le désolant constat de quelqu'un qui n'a aucunement mûri comme interprète, se limitant à improviser de petits ritardandos et de petits diminuendos tenant lieu d'expression. Son meilleur moment fut l'exécution de la cadence de Joachim au premier mouvement.

Après le Bartok, Nézet-Séguin ajouta comme rappel un extrait de son disque Ravel-Rotterdam : Le jardin féerique, tiré de Ma Mère l'Oye.

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ORCHESTRE PHILHARMONIQUE DE ROTTERDAM. Chef d'orchestre: Yannick Nézet-Séguin. Soliste: Viktoria Mullova, violoniste. Dimanche soir, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts.

Programme:

Concerto pour violon et orchestre en ré majeur, op. 77 (1878) - Brahms

Conciso (1996) - Verbey

Concerto pour orchestre, Sz. 116 (1943) - Bartok