Je connaissais la voix de Florian Boesch par le disque: un récital Schumann, paru chez Onyx, que j'avais jugé assez exceptionnel pour le placer parmi mes cinq enregistrements préférés de l'année 2009.

Le baryton autrichien se présentait devant nous mercredi soir à Redpath, dans la série Turp axée sur le chant. Solide gaillard, tête rasée, veston noir sur T-shirt noir, sourire en coin. L'allure fier-à-bras peut surprendre; elle conviendra tout à fait au style de chant adopté par le visiteur.

 

Le disque m'avait inspiré le qualificatif «frappante» pour décrire cette voix nouvelle. Frappante, elle le reste «en personne», et d'autant plus que le programme est en majeure partie identique à celui du disque: un presque tout-Schumann, avec les neuf pièces du Liederkreis op. 24 comme entrée en matière.

Sur la voix elle-même, rien à redire: projetée avec force, clarté, justesse, souplesse même, et égale de l'aigu au grave. Cette voix, son propriétaire en abuse hélas! au point qu'on se demande s'il sera encore en mesure de chanter dans cinq ans. L'oeil assassin, la bouche de travers, les poings serrés, l'homme multiplie les effets de voix, hurle et dramatise à outrance la presque totalité des Schumann (une quinzaine) et des Schubert (une demi-douzaine) inscrits à son programme. À l'hallucinant Doppelgänger de la toute fin, on en est presque au film d'horreur.

Robert Holl, qui fut le professeur de M. Boesch, affectionnait cette théâtralisation du lied, mais sans tomber dans l'excès. L'élève, lui, ne s'arrête qu'au moment où son numéro frise le ridicule et la vulgarité.

Au piano, Roger Vignoles reste le partenaire exemplaire que l'on connaît. On s'étonne simplement qu'il prenne un tel plaisir à ce qui se passe devant lui.

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FLORIAN BOESCH, baryton. Au piano: Roger Vignoles. Mercredi soir, Redpath Hall de l'Université McGill. Présentation: Société musicale André-Turp. Programme: lieder de Robert Schumann et de Franz Schubert.