Bien que très atteint du cancer et se déplaçant en fauteuil roulant, Jacques Hétu avait tenu à être présent à la création de son Concerto pour deux guitares, le 14 janvier à l'Orchestre Métropolitain, et à la cérémonie annuelle des Prix Opus le 31, où lui était décerné le Prix Hommage.

Mardi matin, il s'éteignait, à 71 ans, dans sa maison de Saint-Hippolyte, entouré de sa femme Jeanne Desaulniers et leurs cinq enfants.

Jacques Hétu était né à Trois-Rivières en 1938. Il avait étudié la composition ici avec Clermont Pépin et Jean Papineau-Couture, ensuite aux États-Unis avec Lukas Foss, puis à Paris avec Dutilleux et Messiaen, ayant remporté le Prix d'Europe en 1961. À son retour, il enseigna à l'Université Laval de Québec et à l'Université de Montréal, puis remplit deux mandats, entre 1980 et 1988, comme directeur du Département de musique de l'UQAM.

Le catalogue de Jacques Hétu compte plus de 70 oeuvres; la plupart étaient des commandes. Elles se présentent dans des formes classiques et dans un langage polytonal mais accessible au plus grand nombre, ce qui explique la fréquence de leurs exécutions. En fait, Jacques Hétu est, de tous les compositeurs canadiens, le plus joué ici et à l'étranger, devançant même R. Murray Schafer.

Parmi ses oeuvres les plus marquantes, il faut mentionner Images de la Révolution, que Charles Dutoit lui commanda pour le bicentenaire de la Révolution française, en 1989. Dutoit en dirigea la création à l'OSM, au milieu d'une ovation très rare pour la musique d'ici, et la programma l'année suivante, 1990, à l'Orchestre Philharmonique de New York.

Hétu joué en Europe

Trois autres oeuvres très représentatives de Hétu, soit la troisième Symphonie, le Concerto pour piano op. 15 et le Quintette à vent, figuraient à Musicanada, le festival de musique canadienne contemporaine monté par le gouvernement canadien à Paris et à Londres en novembre 1977.

Une autre de ses oeuvres les plus réussies, Antinomie, fut présentée par au moins deux orchestres canadiens en tournée européenne: par l'OSM et Dutoit en 1984 et par l'Orchestre du Centre National des Arts et Pinchas Zukerman en 1990. Parmi les nombreuses oeuvres de Hétu jouées en Europe, Le Tombeau de Nelligan fut joué à Paris par le Nouvel Orchestre Philharmonique de Radio France en 1993.

De sa vaste production se détachent encore la Missa pro trecentesimo anno, pour le tricentenaire Bach, en 1985, Les Abîmes du rêve, sur des poèmes de Nelligan, la Sonate pour violoncelle et piano de 1998 et les Variations pour piano op. 8, qui reçurent plusieurs enregistrements dont un de Glenn Gould. Étrangement, Montréal attend encore l'audition du Concerto pour orgue créé en 2002 à Edmonton par Rachel Laurin et repris à Toronto en 2008 par nul autre qu'Olivier Latry.

Hétu était d'ailleurs attiré par le genre concerto. Il en composa une quinzaine, dont deux pour piano, un pour la combinaison piano-violon-violoncelle et un pour chacun des instruments suivants: alto, flûte, hautbois, clarinette, basson, trompette, trombone, cor, Ondes Martenot, marimba et vibraphone.

À Toronto et à l'OSM

Le disparu est aussi l'auteur de la brève fanfare qui annonce chaque concert à l'Amphithéâtre de Lanaudière. Il aborda l'opéra une seule fois, en 1992, avec Le Prix, sur un livret de Yves Beauchemin. Ce fut, il faut bien le reconnaître, une demi-réussite. Le Toronto Symphony, qui l'a beaucoup joué, créera sa cinquième Symphonie le mois prochain et l'OSM jouera l'une de ses plus récentes oeuvres, Sur les rives du Saint-Maurice, à son concert d'ouverture de saison, le 7 septembre prochain.

Une bonne initiation à la musique de Jacques Hétu est offerte dans le coffret Radio Canada International ACM 31 de quatre compacts. On y trouve notamment la troisième Symphonie, Antinomie, la Sonate pour deux pianos, les Variations pour piano, la Missa pour Bach, Les Abîmes du rêve, Les Clartés de la nuit, le Quintette à vent et le Quatuor à cordes.

Les funérailles auront lieu le vendredi 19 février à 14 h à l'église Saint-Viateur d'Outremont.