Absent depuis près de deux mois, Kent Nagano retrouve l'Orchestre Symphonique de Montréal au cours d'un long week-end comportant un concert à Wilfrid-Pelletier hier après-midi et une petite tournée: Québec vendredi soir, Toronto ce soir même.

La pièce de résistance aux trois endroits est l'intégrale du ballet L'Oiseau de feu, de Stravinsky, que l'actuel titulaire de l'OSM aborde pour la première fois dans l'original totalisant trois quarts d'heure.

La salle était absolument comble; dehors, des gens cherchaient à acheter un billet.

Avec à peu près les mêmes effectifs qu'aujourd'hui, l'OSM a joué l'intégrale de 1910 de Stravinsky il y a moins de deux ans, en plus de revenir régulièrement à la suite de 1919. Les musiciens connaissent donc bien cette musique et la rendent avec le maximum de virtuosité et de couleur. Nagano en souligne d'ailleurs l'aspect multicolore et d'autres détails, comme les voix secondaires. Hélas! sa conception se limite à ce côté superficiel. Tout ce qu'il y a là de tendresse, de drame et de violence lui échappe complètement et ce qu'il nous donne est finalement fort ennuyeux. L'Oiseau de feu est un conte (la partition le dit) et c'est ainsi, sur le ton très subtil de la narration, que Dutoit dirigeait cette musique. Ce temps-là est malheureusement révolu.

Virtuosité et couleur sont là dès la pièce d'entrée, un Messiaen que Montréal a déjà entendu au moins cinq fois, dont une avec la créatrice Yvonne Loriod au piano, en 1978. L'orchestre y est ramené à 20 exécutants, ce qui met d'autant plus l'ensemble à découvert. Comme si souvent chez Messiaen, masses d'accords très dissonants et grappes de notes alternent, cette fois dans des sonorités de gamelan. Mais cela est beaucoup trop long: 16 minutes. Lecture très en place, y compris de la part de la pianiste Olga Gross, qui manquait de force cependant.

Pour des raisons inconnues, on avait placé parmi les musiciens le soliste de la rare Rhapsodie pour saxophone de Debussy, Branford Marsalis. Il y parut d'autant plus effacé que la partie de saxophone est faible, Debussy n'ayant pris aucun plaisir à cette commande d'une riche Américaine. Ce qui explique sans doute l'ajout de deux lieder, un Brahms et un Schubert, non plus chantés mais joués au saxophone (!).

Mais le saxophone de Marsalis ne remplace pas plus la voix de Fischer-Dieskau que Nagano ne remplace Dutoit, pour Stravinsky en tout cas.

___________________________________________________________________________________________________

ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef d'orchestre: Kent Nagano. Solistes: Olga Gross, pianiste, et Branford Marsalis, saxophoniste. Hier après-midi, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts. Série «Dimanches en musique». Programme: Couleurs de la Cité céleste, pour piano, vents et percussions (1963) - Messiaen Rhapsodie pour saxophone alto et orchestre (1911-19) - Debussy L'Oiseau de feu (1910) - Stravinsky