Vienne, Marseille, Strasbourg, New York et Glasgow les réclament, mais c'est Miami qui a eu l'idée de construire toute la saison 2009-2010 autour d'André Barbe et Renaud Doucet. Fait rarissime, le Florida Grand Opera leur a confié la mise en scène, les décors et les costumes de cinq oeuvres fort prisées du répertoire lyrique.

André Barbe et Renaud Doucet préparent Pagliacci, Suor Angelica, Lucia di Lammermoor, Il barbiere di Siviglia et Carmen à Miami. Barbe et Doucet font équipe dans la vie et sur la scène. Toujours dans leurs valises, ils montent plusieurs productions sur deux ou trois continents à la fois.

«On est presque 365 jours sur 365 ensemble. On y arrive parce qu'on fait la différence entre le travail et notre relation. Parfois, on s'engueule, mais on n'a jamais remis en question le talent l'un de l'autre», explique Renaud.

André Barbe conçoit décors et costumes. Ancien de l'École nationale de théâtre et disciple de François Barbeau qui lui a appris à voir les choses autrement à raison d'une maxime ironique («On sait ben, les patates, ça se mange pilées»), il a beaucoup travaillé en théâtre à Montréal.

Renaud Doucet, lui, s'occupe de la mise en scène et, parfois selon la production, de la chorégraphie. Originaire de France, il a commencé sa carrière comme danseur soliste, maître de ballet, professeur et chorégraphe dans des compagnies et écoles internationales.

Parler opéra avec eux relève du pur délice. Ils les connaissent sur le bout des doigts, des plus populaires aux méconnus, puisés dans le répertoire classique ou contemporain. Et mieux encore, ils ont appris à comprendre les publics américains et européens, pourtant complètement opposés.

«Le travail fait pour un opéra qu'on présentait il y a cinq ans dans une ville américaine était jugé obscène. Le même concept plaisait pourtant aux Européens», note Renaud.

Conjuguées, leurs connaissances du monde et de l'histoire leur servent aussi à ancrer plusieurs de leurs visions artistiques.

«Nous ne nous ennuyons jamais, dit Renaud. Nous aimons plusieurs veines différentes de mise en scène. C'est comme les gens qui ne mangent que de la cuisine française. Désolé, mais il existe autre chose. Les goûts évoluent, les publics évoluent. Faire un opéra, c'est servir une oeuvre à un public. L'opéra c'est régional, la présentation doit être adaptée au public.»

André poursuit avec l'exemple suivant: «Parfois on se dit en blaguant que si on faisait Carmen en Allemagne, il faudrait que les chanteurs soient complètement nus, qu'ils se roulent dans du verre pilé sous des néons!»

The Sound of music

Ils ont monté la comédie musicale The Sound of Music à Vienne, les premiers à le faire sur scène. Cette histoire autrichienne n'avait jamais été présentée en Autriche?

«Non, répond Renaud. Beaucoup d'Autrichiens n'ont pas fait leur coming out avec la guerre. C'est comme s'ils faisaient face à leur passé schizophrène. Des gens de toutes les générations étaient dans l'assistance. Les médias du monde entier en ont parlé.»

Ils se sont rencontrés il y a 10 ans sous la houlette de Bernard Uzan, alors directeur de l'Opéra de Montréal pour Pelléas et Mélisande de Debussy. Pourtant, ils travaillent fort peu ici.

«On se promène partout, mais quand on revient à Montréal et qu'on rencontre des collègues, ils nous demandent, surpris, si nous sommes toujours ensemble et dans le métier», ricane André.

«On adore l'opéra, ajoute Renaud, mais on a goûté à la comédie musicale aussi et on a aimé. On aimerait travailler pour le théâtre aussi. Plein de choses nous intéressent.» Message: Barbe et Doucet aimeraient travailler davantage à la maison.

On pourra tout de même voir leur Cendrillon de Massenet, une production datant de 2003, à Montréal au printemps.

«On l'a présenté à Strasbourg, raconte André. Le directeur voulait qu'on donne notre point de vue américain sur cette oeuvre française. On a décidé de le transposer dans les années 50, une dernière époque romantique avec des personnages ressemblant à Lucille Ball et Monsieur Net.»

 

En un mot

Duo lyrique à tout faire

Montréal, c'est...

«Ce qu'on est. On transporte partout avec nous notre éducation, nos valeurs, notre culture et notre ville. Les gens se demandent d'où on sort quand ils voient notre façon de travailler assez unique et ils comprennent que notre approche est purement montréalaise.»

Que dit-on de Montréal ailleurs?

«En Europe, ils parlent de notre efficacité nord-américaine et aux États-Unis, de notre sensibilité européenne. En Europe, ils disent que les Montréalais sont comme des Américains avec de la culture.»

Que manque-t-il à Montréal?

«Le soutien aux arts. Ce n'est pas la faute aux compagnies artistiques, car elles doivent gérer au quotidien. Elles ne peuvent même pas se permettre de prévoir et de préparer un plan pour cinq années à l'avance, alors que c'est la règle ailleurs dans le monde.»

À voir sur le web

barbedoucet.com

fgotickets.org/Tickets/EventDetails.aspx?id=633

operademontreal.com/fr/programmation/cendrillon/detail-spectacle.html