Yannick Nézet-Séguin lançait sa 10e saison à l'Orchestre Métropolitain lundi soir avec un programme à un seul compositeur: Richard Strauss. Deux des poèmes symphoniques les plus célèbres du maître allemand, Don Juan et Ein Heldenleben, encadraient un groupe de cinq lieder chantés par la soprano américaine Barbara Bonney dans ses débuts ici, à 53 ans.

Abstraction faite de la «réunion de famille» qui ouvrit le concert (M. Péladeau fils, M. et Mme Laframboise, le neveu de Nézet-Séguin, etc.) et de l'entracte traditionnel, nous avons eu là une grosse heure et demie de Richard Strauss. C'est beaucoup... et beaucoup de la même chose. La demi-salle devant laquelle l'OM ouvrait sa saison nous fait d'ailleurs nous demander si ce tout-Richard Strauss était une bonne idée.

Au plan de l'exécution, rien à redire. L'OM très augmenté rejoignait son concurrent qui se produit sur la même scène et le rejoignait non seulement en volume sonore mais encore en qualité de jeu et en virtuosité et jusque sur le plan de l'interprétation. À 34 ans seulement, Nézet-Séguin apporte à cette musique - qu'il adore, de toute évidence - une passion dévorante et contagieuse qui rappelle les grands soirs de Mehta et de Decker à une époque révolue de l'orchestre aîné.

Opulence et tapage caractérisent les deux poèmes symphoniques et l'OM les traduisit avec toute la puissance souhaitée. En même temps, les deux partitions comportent des moments d'accalmie et de tendresse sur lesquels Nézet-Séguin s'attarda amoureusement.

Rappelons notamment, dans Don Juan, les interventions du hautbois représentant Donna Anna et, dans Heldenleben, le très long et périlleux solo de violon où Strauss dépeint la compagne du héros. Amusante coïncidence, les deux instruments étaient tenus lundi par deux musiciennes, respectivement Lise Beauchamp et Yukari Cousineau.

Superbe orchestre et superbe concert, donc, malgré la pesanteur du programme et... malgré la chanteuse. Barbara Bonney fut une déception à peu près totale. Elle avait choisi des lieder peu intéressants et les chanta d'une façon monotone et d'une voix petite, peu timbrée, dépourvue de legato et facilement engloutie par l'orchestre. Elle se racheta à peine avec un Morgen donné en rappel.

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ORCHESTRE MÉTROPOLITAIN. Chef d'orchestre: Yannick Nézet-Séguin. Soliste: Barbara Bonney, soprano. Lundi soir, salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts.

Programme consacré à Richard Strauss: Don Juan, poème symphonique, op. 20 (1888); Cinq lieder: Die heiligen drei Könige aus Morgenland, Ich wollt' ein Sträusslein binden, Mein Auge, Ruhe, meine Seele, Cäcilie; Ein Heldenleben, poème symphonique, op. 40 (1898).